The Inside est une série crée en 2005 par Tim Minear et Howard Gordon pour la chaîne Fox. Je l'ai découverte en v.o. sur Youtube. Elle fut diffusé sur M6 en français sous le titre Dans la tête des tueurs (v.f à éviter !) — Séduit par ses personnages, captivé par la complexité narrative de chaque épisodes et de l'ensemble, je me suis laissé tenté à son propos par une étude à temps perdu. — C'est aussi l'occasion de travailler à une base de données. L'accès à la base de données étant reliée à une étude rédactionnelle (accès sélectif aux fiches-épisodes en construction).
Un aspect me retient particulièrement dans The Inside. — Certes, l'enquêtrice phare, Rebecca Locke a une capacité d'analyse hors-pair et une exceptionnelle intuition. En outre, et comme le mentionnent toutes les présentations de la série, elle dispose d'une expérience douloureuse qui l'aide à s'orienter dans la logique propre des criminels, ayant été, dans son enfance, enlevée et séquestrée pendant plusieurs mois. Mais l'importance du background des enquêteurs ne s'arrête pas là. Un fil d'enquête parallèle parcourt toute la série, revenant d'épisode en épisode sous diverses formes. Cette recherche s'intéresse essentiellement à Rebecca elle-même. Tout d'abord, l'un de ses équipiers, Paul, enquête sur celle-ci alors qu'elle vient de rejoindre le Violent Crime Unit de Los-Angeles. Il veut savoir si un secret la concerne et quel est ce secret. L'instant où elle devine que son confrère a découvert son passé et où elle lui demande de confirmer ce qu'elle croit savoir qu'il sait est intense dans sa sobriété en même temps qu'il donne à l'enquête un relief supplémentaire. — Pour se dévoiler elle utilisera paradoxalement certaines missions sous couverture. Le jeu de dissimulation de son identité d'agent du FBI lui semblera propice pour distiller des éléments de sa vraie personnalité au cours d'échanges avec les suspects retransmis par radio à ses équipiers ou pendant des conversations téléphoniques auxquelles ils assistent.
Attractions et répulsions magnétiques, singularités optiques et autres paradoxes
Dissimulation-dévoilement (Loneliest number), résidence protégée-crime de voisinage (Everything nice), statut de protecteur-activité de prédateur (une bonne moitié des épisodes reprennent ce motif), victime secourue-victime secourable (Gem, dans un bref passage inoubliable), ex-agresseur-conseiller de son ex-victime (Little girl lost)... La conjonction des contraires (la réversibilité des rôles et des qualifications) est une des prédilections de la série (Au moins une variation sur ce thème s'impose dans chaque épisode). Comme figures voisines (toutes portées à modifier les idées reçues quant aux inscriptions de chacun dans le champ moral et sur la carte des statuts sociaux), mentionnons également celles où enquêteurs et criminels (mais aussi la série en tant que telle) expérimentent le dédoublement ou la diffraction de l'un en un faisceau de multiples (Ainsi, New girl in town, Little girl lost, Skin and bones exposent remarquablement certains effets de prisme et de miroir déformant). Inversement, il arrive que l'autre radical et même l'Ennemi au pire sens du terme basculent — de manière justifiée ou fallacieuse — dans une proximité avec les enquêteurs ou encore se retrouvent en connivence sensible avec l'un d'entre eux (Au dénouement de l'épisode Aidan, l'enquêteur et la criminelle se rejoignent par une compréhension positive à tout point de vue — Dans Prefiler, le criminel cherche, en des prouesses délirantes, à s'assimiler aux policiers et à se faire reconnaître comme un justicier supérieur).
Défis à tout simplisme, fascinants, ces jeux de vertige ne sont pas arbitraires. Soutennant l'acuité du regard dans un monde complexe, ils évitent la gratuité purement attractive. Déjouant la tentation du nihilisme et des raccourcis, ils illustrent une morale vivante. — Old wounds, Prefiler, Thief of heart, Aidan... suggèrent que l'éthique — contrairement aux légumes — préfère les circuits longs.
Qui est-elle ? d'où vient-elle ? où va-t-elle ?
Rebecca objet d'enquête... Cette problématique est complété par Rebecca sujet de quête — Où va-telle ? — Elle a repoussé derrière elle son identité de petite fille séquestrée qui s'est libérée seule. Pour mieux assurer cette coupure elle a même changé de nom. Mais jusqu'alors le divorce qu'elle a conclu avec son passé, tout en lui conférant une force particulière, ne l'a pas libérée de toute hantise. Voudra-t-elle, pourra-t-elle percer ce second mur qui l'isole ? D'enquêteurs-observateurs s'interrogeant sur elle, séparés d'elle par son mélange d'intégrité et de rigidité ainsi que par sa singulière culture de solitude, ses collègues deviendront-ils pour elle des ferments d'évolution ? On pourra alors dire que cette seconde libération Rebecca ne l'a pas accomplie seule.
entre les enquêtes et les ressources intimes des principaux agents
The Inside est particulièrement dans son sujet quand l'enquête criminelle interagit avec la quête individuelle. Sans que l'intérêt et le charme de la série s'y résume, les scènes et les épisodes les plus typiques sont ceux où se télescopent les problématiques des personnages principaux et leur fonction de policiers.
Ces problématiques et complexes personnels sont d'abord ceux de Rebecca Locke (rôle tenu par Rachel Nichols), mais il arrive aussi que la vie privée et l'activité d'investigateur de son collègue Paul Ryan (Jay Harrington) fusionnent. — Celui-ci, par exemple, est incité par Rebecca à mobiliser les ressorts d'un drame conjugal non encore résolu chez lui pour accéder à une criminelle en crise psychotique suite à une perte d'enfant en cours de grossesse (épisode Aidan). Lui seul, dans une sorte de contre-transfert psychanalytique, peut s'adresser utilement à la traumatisée et établir ainsi un échange qui va permettre de sauver une vie. Réussir à débloquer la situation sur le plan de l'enquête aidera ensuite Paul à libérer son couple face à une barrière que, jusque-là, il ne savait comment franchir.
Thriller existentiel à peu près nettoyé de toute mauvaise graisse et de toute sentimentalité raccoleuse, The Inside, en plus de chaque cas traité, s'attache à suivre les péripéties d'un passage vers la sociabilité, l'amitié, le respect de soi-même et, pourquoi pas, l'amour d'un autre. Les manipulations supposées, comme celles ourdies par le supérieur hiérarchique Virgil Webster (Peter Coyote), manœuvres perçues comme cyniques et instrumentales envers ses subordonnés, s'assimilent, en fin de compte et par delà leur efficacité opératoire, à une neutralité bienveillante sur le plan humain, marchepied vers une certaine qualité de libération et de réconciliation.
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NEW GIRL IN TOWNvv . . . . | épisode n° 1 | Réal. : Tim MINEAR Script : Tim MINEAR Howard GORDON
Le cadavre de l'agent spécial Alvares est découvert dans un local abandonné. Après l'autopsie, l'hypothèse la plus logique (quoique d'abord difficilement acceptable) est celle d'un suicide maquillé en meurtre par la suicidée elle-même. — Une nouvelle recrue, Rebecca Locke, débarque dans les bureaux du Violent Crime Unit (une section du FBI de Los-Angeles) pour remplacer sa collègue. — L'épisode concerne une SÉRIE d'assassinats de jeunes femmes, affaire sur laquelle enquêtait feue Margaret Alvares. Les victimes sont nouvelles résidentes à Los-Angeles, peu socialisées. Rebecca comprend rapidement que c'est dans le métro que les victimes sont repérées par leur futur bourreau. — Virgil Webster et ses agents prennent alors leurs quartiers dans le centre de vidéo-surveillance du réseau souterrain. — Là, les agents vont tenter d'extraire de la masse des enregistrements l'image d'un suspect. Commence lors un processus complexe d'analyse des formes visuelles, des comportements, des données temporelles et spatiales : arrêt sur images, comparaison des images, établissement de correspondances, connexion entre numéros de lignes, choix d'horaires et de directions, sélection d'attitudes et de silhouettes.
The Inside et les métaphores
Le responsable de la vidéo-surveillance aide les limiers. Il semble fasciné par leur activité et par eux, tel un roturier ébloui par l'élite d'une chevalerie singulière. Cette métaphore chevaleresque correspond à un aspect de la série dans son ensemble (nous la retrouverons notamment dans l'épisode Thief of heart). — Une autre analogie s'invite de toute évidence. Les entités mises en scène (fictives) — ce, celles et ceux que la série montre à l'œuvre — peuvent fréquemment être perçus comme le décalque fonctionnel d'une équipe (réelle) de production cinématographique et télévisuelle. Ici, dans le centre de vidéo-surveillance, les caméras dirigées par Tim Minear ont filmé le rendu d'autres caméras, le montage de la série a pris pour matériau un autre montage, un autre travail de régie vidéo, un AUTRE-PROCHE. Nous retrouverons fréquemment ces jeux de miroirs qui constituent une des prédilections de la série.
Fast forward, rewind, zoom in
Un premier suspect est identifié. Le direct (temps réel) fusionne un instant avec le différé (les enregistrements sélectionnés) mais le suspect se fond dans le réseau, disparaît de la carte et du territoire, s'échappe de l'atmosphère à air pulsé comme des surfaces pixellisées. Il s'évapore avant qu'un piège puisse se refermer sur lui (before he can be FRAMED).
NEW GIRL IN TOWN (suite) :
Rebecca a le profil des victimes. Elle est envoyée comme appât parmi la foule des voyageurs (au casse pipe ?). Elle s'y épuise. Par HF, Web lui donne la consigne d'arrêter. Mais elle s'obstine. Elle va ferrer le grand (?) prédateur maintenant traqué à son insu. — Finalement, un homme est neutralisé alors qu'il collait au train non de Rebecca mais d'une autre jeune femme voyageant seule. Fausse piste. Il ne s'agit que d'un "petit pervers" déjà fiché mais pas très dangereux. — Rebecca ayant montré une insubordination mineure envers Web, elle est illico limogée. Les équipiers sont scandalisés. C'est là un va-tout joué par Web.
Rendre le simulacre plus réel
Rebecca est maintenant VRAIMENT seule dans le métro. VRAIMENT ?... Elle rencontre (SEULE) comme par hasard le responsable de la vidéo-surveillance qui prend le métro après son service. Le régime dramatique monte d'un cran. L'agent de sécurité, PETIT-AUTRE de la police et auxiliaire d'un jour d'une unité d'élite, PETIT-AUTRE — décalque approximatif — de l'équipe de production télévisuelle, cet employé du SERVICE PUBLIC EST le tueur en série !
Professionnellement intégré, intimement dévalué : le criminel
Un échange terrible survient entre eux. Alors qu'il la tient en respect, Rebecca, cherchant désespérément à l'amadouer, lui demande son prénom. Au comble de l'amertume, il pointe d'un doigt son écusson de poitrine. Son prénom y est inscrit très lisiblement. Pour l'agent Locke, il était, jusque-là, tellement peu de chose, qu'elle ne pouvait distinguer sur ce corps insignifiant cette marque d'identité. L'identité..., exister pour autrui, et notamment pour les femmes, puis, par dépit fou et retour logique des choses, priver autrui — certaines femmes — de leur marques d'identité, les réduire à néant, faire d'elles des cadavres sans visage et sans empreintes digitales. Il tue, il a tué, il va tuer. C'est sans compter la balle qu'il reçoit dans le crâne dès qu'il met le pied sur le quai alors qu'il croyait conduire sa future victime à son lieu de mort. Il s'effondre. Web a fait feu. C'est l'épreuve DU FEU pour Rebecca, une des multiples épreuves d'intronisation qu'elle traversera, telle une chevalière mandragore, telle une enquêtrice sur sa propre piste, telle un agent loyal de LA JUSTICE, telle une victime potentielle qui tente le destin.
Dispositif d'observation trouvé sur le lieu de travail, moyen de repérage utilisé par le criminel
Les crimes confiés à l'équipe de Web sont barbares. Une obsession de ravage anime des assassins fréquemment tortionnaires. Le cannibalisme sera y compris approché. Mais les pièges par lesquels les tueurs neutralisent les victimes et défient la société dénotent toujours un haut degré d'organisation. Ces criminels sont des EXPERTS. Dans plusieurs cas, leur compétence est exagérée. Les prouesses déployées pour SIGNER leurs crimes et leur aptitude à communiquer sont fréquemment au delà du pouvoir d'un individu même très qualifié. Néanmoins, on a rarement une impression d'exagération grossière. C'est que les personnages sont finement construits, le détail de chaque scène est intéressant. Le casting de la série est remarquable. Les personnages, et notamment les tueurs crèvent l'écran. Ils ont une patine, ce sont des personnalités, ils ont des plis à leurs vêtements et d'expression, ils sont "granulaires", et il est loisible de les appréhender selon différentes résolutions. En outre, leur style se renouvelle à chaque épisode. — Si la texture et la présence corporelle des criminels varient, on retrouve des traits communs dans leur typologie sociale. Le mal (la négation extrême de toute humanité) ne provient pas de zones sociales lointaines. Ces psychopathes ne sont pas exotiques (sauf un, un cannibale en fauteuil roulant). Ce ne sont pas les friches du territoire qui sécrètent les loups garous. Quatre autres cas concerneront des criminels opérant à partir d'un repérage depuis leur espace professionnel. Comme dans New girl in town, dans Loneliest number les repérages seront effectués par la criminelle à partir de dispositifs audiovisuels. La fonction statutaire de ces asociaux est souvent de protéger, de distraire (deux cas de criminels issus du show business), ou encore d'être sage comme une image (petite psychopathe bien peignée qui opère au couteau).
Influence de Thomas Harris ?
The Inside rejoint un modèle développé dans Dragon rouge. Dans ce roman publié en 1981, le serial killer connaît à l'avance le domicile de ses victimes. Il peut y opérer comme s'il y était déjà venu. Technicien de développement de films Super 8, il se crée une base de donnée visuelle par laquelle il réalise au travail son TRAVAIL d'approche. — Les deux romans de Thomas Harris, Dragon rouge et Le Silence des agneaux, ont d'autres points communs avec The Inside. Les deux "corpus" dépeignent des structures policières un peu à part au sein du FBI. Chez plusieurs meurtriers de The Inside, Hannibal Lecter pourrait retrouver une parcelle de sa personnalité (le plus souvent, les tueurs de The Inside sont d'une extrême cérébralité, d'une précision quasiment scientifique). Rebecca Locke a plus d'un trait commun avec Candice Starling, la stagiaire sensible et ultra-compétente du Silence des agneaux.
La métamorphose de l'agnelle
Le Silence des agneaux, cette formule évoquant la passivité des victimes hantait Candice Starling. Or, si l'enquêtrice Rebecca est concernée par ces termes c'est qu'elle fut une agnelle qui a refusé de se laisser sacrifier. ELLE N'A PAS FAIT SILENCE, elle ne s'est pas résignée. Elle a tué le boucher ! La providence a-t-elle joué son rôle dans le salut de la petite Becky ? Le scénario restera sur ce point judicieusement flou. — Le parcours de Rebecca tient à deux pointes du triangle victime-police-délinquant. Elle relève de la pointe victime et de la pointe bras armé de La Justice. Elle ne penche jamais vers la troisième pointe, se refusant à toute méthode expéditive qui la rendrait coupable envers l'état de droit. Son rapport au statut — à l'identité — de victime est pour l'essentiel radicalement transcendé mais il n'est pas entièrement résolu. Les aléas de cette résolution constitueront le fil profond de The Inside, parallèle aux enquêtes, entremêlé aux enquêtes.
La figure du mentor
Web et Jack Crawford (le cadre du FBI qui supervise les enquêtes dans le dyptique de Thomas Harris) relèvent du même type : officiers de police au faîte de leur carrière, indépendants d'esprit, références pour les agents de terrain, figures paternelles. Mais Web est "plus" que Crawford. Plus actif, plus vertigineux, davantage objet de critique et d'incompréhension, plus insondable, plus déterminant. Il se situe dans un rapport maïeutique envers une jeune femme en quête d'elle-même (Cet aspect est présent dans le rapport transférentiel entre Crawford et Candice Starling, mais sous un mode plus lointain). Web respecte sa protégée au plus au point mais il ne la ménage pas.
L'enquête sur l'enquêtrice
Quand Rebecca est arrivée aux bureaux de Los Angeles, elle est entrée aussitôt en réunion avec Web, Melody et Danny examinèrent alors les étiquettes de ses bagages et inventorièrent ses affaires. Puis, s'intéressant à sa page dans l'intranet du FBI, ils s'étonnèrent de ne trouver aucune information sur la vie de leur nouvelle partenaire antérieure à son entrée à l'école de Quantico. Elle semble surgir de nulle part, d'un OUTSIDE, d'un NOWHERE. WHO IS SHE ?
Nouvelle victime
Mais une nouvelle arrivante (a new New girl in town) a été enlevée. Une vidéo de la jeune femme terrorisée est transmise au FBI par le ravisseur, une transmission en direct. L'équipe comprend un jeune technicien de modélisation nommé Carter qui parvient à localiser le lieu d'émission. Les agents font irruption dans le lieu de séquestration. Malheureusement, l'enregistrement n'était pas en direct mais en léger différé. La jeune femme vient de mourir et le tueur s'est replié. Rebecca est très affectée. Elle est réglementairement prise en charge par un infirmier. C'est le moment choisi par Paul Ryan pour s'isoler... À la lueur des gyrophares, il téléphone à une de ses relations dans les services. Paul lui demande toute information sur la partie cachée du dossier Rebecca Locke. Il apprend alors que Rebecca avait défrayé la chronique une douzaine d'année auparavant. — Elle s'appelait alors Becky George. Séquestrée plusieurs mois, introuvable, elle s'était extirpée par ses propres moyens de sa prison. Quant à son ravisseur, il avait péri dans l'incendie ayant permis à la fillette de se libérer.
Distribution inégale des informations concernant Rebecca
Fort de cette information, Paul introduit un différentiel de connaissance (ou plutôt complexifie le différentiel initial). Dans l'épisode n° 3, Old wounds, Rebecca saura que Paul sait, Paul sachant aussitôt que Rebecca sait qu'il sait, la levée du voile sur ce plan s'effectuant au cours d'une conversion en marge d'enquête entre les deux agents. Paul se considérera volontiers comme un grand frère protecteur, enclin à "décrypter" et à aider Rebecca, à la contester parfois. — Lieu commun de la série, Paul se confrontera fréquemment à Web au sujet de leur nouvelle coéquipière. Comme il se doit dans cette œuvre giratoire, il arrivera à Rebecca d'inverser les rôles, de protéger Paul, de le pousser en avant, de le contester à l'occasion (épisodes n° 7 et n° 9, Thief of heart et Aidan). Quant à Melody et Danny, ils attendront quelques épisodes avant que Rebecca elle-même ne leur révèle par un moyen détourné son identité originelle (épisode n° 5, Loneliest number).
Police scientifique
Les inspections microscopiques de scènes du crime ou de cadavres analysés jusqu'aux atomes sont quasiment absentes de la série. La figure du policier scientifique est désormais traditionnelle (parfois objet de parodies) dans ses prouesses nanométriques et ultra-appareillées. Cette figure est quasiment absente de The Inside. Ici, le dissecteur des corps n'est pas incarné par un acteur unique. La salle d'autopsie reste un lieu important mais les médecins légistes changent. Néanmoins, comme il se doit dans une série dont LE CASTING est un des points forts, l'acteur ou l'actrice incarnant le médecin légiste a chaque fois un petit quelque chose d'intéressant. — La technologie importante dans The Inside est la modélisation numérique (discipline non originale en soit dans les fictions policières et qui ne trouve pas dans la série une approche significativement renouvelée). Son médium est l'image multipliée, dépilée, recomposée, combinée. Son objet principal : la géographie urbaine, la géométrie des espaces, le croisement des fichiers et leur assignation SUR LE PLAN DE LA VILLE (Dans Gem, c'est appliquée aux visages, à leur évolution selon l'âge de la personne, que la modélisation s'intègrera à la dramaturgie de la manière la plus remarquable). Le spécialiste de cette discipline, Carter, est un jeune ingénieur assez lisse mais assez fin.
Une image
Alors que Rebecca officiait en appât dans le métro, incognito mais scrutée par un assortiment de flics camouflés, l'image de Danny Love (l'action man de l'équipe) est captée un instant dans le travelling qui suit la jeune femme. Il est assis, mâchant une gomme, penché sur un journal, en blouson clair. Il est habituellement en complet noir et cravate à moins qu'il n'apparaisse en gilet pare-balle et casqué, et ce contraste du noir au clair, de tenue stricte à apparence informelle, est efficace. La jeune femme passe à quelques centimètres de cet inconnu, extrêmement près et infiniment loin. Cette furtive mention visuelle de l'équipier le moins proche de Rebecca mais dont elle dépend à cet instant pour sa vie, l'agent Love grimé en quidam qui jette un bref regard d'intelligence à sa collègue fait partie de ces éléments presqu'inaperçus dont un film est également fait. Cependant, cette image possède une portée au delà de l'action et en surcroît de ce qu'elle dit des relations spatiales. Elle signale la valeur du travail d'équipe en état d'urgence. Une telle situation peut agir comme transcendance des distances sociales et affectives, transcendance de l'étroitesse des égos par un but au delà, rappel d'un essentiel au point présent, d'une similitude par complémentarité et par dissolution des quant à soi. Cette image n'est pas celle d'un état de grâce mais d'un niveau de grâce et d'accès à un moment pur. Sa structure pourrait être qualifiée de transcendance (dépassement, décantation) au sein de la plus précise immanence, dans un rapport à l'autre et dans un sentiment de soi redéfinis.
NEW GIRL IN TOWN (fin).
EVERYTHING NICEvv . . . . . | épisode n° 2 | Réal. : Allan KROEKER Script : Jane ESPENSON
Un petit garçon est retrouvé par sa mère éventré dans la piscine de la villa. La vindicte publique désigne l'ouvrier d'entretien de la résidence (Teddy Bunch) comme le meurtrier. Le suspect est immédiatement arrêté. Un interrogatoire mené par Dany convainc celui-ci de la culpabilité de l'homme. Le témoignage d'une petite voisine (Madison Sinclair) accrédite cette version des faits. Mais Rebecca comprend que la petite fille n'est pas sincère. — Lorsque l'enfant est laissée seule dans le box où elle vient d'être questionnée le monitoring vidéo confirme sa duplicité.
EVERYTHING NICE (suite) :
Des deux suspects, lequel est le bon ? Melody et Rebecca cherchent à prouver la culpabilité de la petite Madison. Danny et Paul veulent démontrer celle de Teddy, le gardien.
Un jeu serré
L'établissement de la preuve se joue autour d'une pièce à conviction : un coffret de couteaux de pèche. — Rebecca sait qu'il faut jouer serré avec le petit (?) monstre, menteuse invétérée, créature rusée qui se voile derrière les apparences. — Elle accule la petite fille dans ses retranchements. Quasiment menacée par Rebecca (sur le ton transgressif que la policière sait adopter quand il le faut), Madison se blesse volontairement en se laissant tomber de sa cabane dans les arbres. Rebecca est mise en échec. Il lui est désormais interdit par le juge de franchir les limites de la résidence. Web ne la sanctionne pas. Simplement, elle devra désormais procéder à partir des bureaux. Melody est envoyée sur le terrain du petit démon. Elle découvre les pièces à conviction. Pendant ce temps, la piste du gardien avait déjà tourné court. — Madison cherche alors à supprimer un témoin potentiel, une camarade commune à elle-même et au petit Henry. Mais la mère d'Henry intercepte la criminelle. Elle va la livrer à la police. À ce moment, Madison révèle un repli caché dans les bas-fonds de sa cruauté (ou de son amoralité intégrale). Elle avoue à la mère de sa victime qu'après son crime elle était demeurée à proximité de la piscine où, tel un poisson mort, flottait Henry. Par cruauté ou simple curiosité, elle voulait profiter du spectacle de la mère découvrant le cadavre de son fils. La mère d'Henry perd alors tout contrôle. Elle va faire subir à Madison le même sort que celle-ci a fait subir à Henry. Mais Mme Sinclair, la mère de Madison, alertée par les cris de l'être innommable qu'elle a engendré, intervient et tue Mme Olsen avec une pelle. — L'enquête menée magistralement par l'agent Locke est finalement prise de court par la précipitation des événements. Quand Rebecca et Paul arrivent sur les lieux, c'est pour constater le désastre.
L'enfant réifié
L'image du prologue fait d'Henry un poisson mort. Rebecca évoque le garçonnet comme une sorte de réveil qu'on a ouvert pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur. C'est une intention que, par hypothèse, elle prête à Madison. Dans cet épisode (dont le script est dû à Jane Espenson), Rebecca considère les choses avec un professionnalisme total, une froideur ambiguë, une distanciation méthodique, une énergie vitale souveraine et corrosive. Cependant, Henry ne se résume pas à ces images réifiantes. Quelques évocations en font un être sensible en lui-même et pour les spectateurs. La chosification qu'il subit est d'autant plus dérangeante.
Une tragédie non-grecque
Chez Sophocle et Eschyle, le tragique provenait des effets d'un crime originel à travers plusieurs époques, les convulsions se propageant sur plusieurs générations. Ici, le cycle criminel est en 2 temps. L'action est condensée sur quelques jours. Les 2 temps impliquent néanmoins 2 générations. On peut voir là, réduits a minima, les caractères d'un cycle de lignée. — Les affrontements tragiques exposés au théâtre d'Athènes se passaient entre des semblables, AU SEIN de la noblesse, AU SEIN de cités en quête d'elles-mêmes, dans un même espace tribal (Thèbes, Troie, Mycènes, Athènes). Enfin, tout se déroulait en lien avec des divinités plus ou moins actives. — Ici, le spectateur assiste à une tragédie de voisinage. La résidence protégée de Hidden Harbour, entourée de murs d'enceinte, soutient le parallèle avec un palais antique cerné de murailles. Certes, la traduction passe du monumental à un espace dérisoire. Mais la reprise contemporaine des anciens mythes — du Prométhée mal enchaîné de Gide à l'Ulysse de Joyce — aime à les rejouer en mode mineur. C'est une caractéristique du large XXe siècle que de grands créateurs se soient plu à revisiter les grands mythes sur le mode du petit. — Pour du tragique, la conclusion précipitée des crimes de Hidden Harbour frôle l'outrage aux canons du GENRE (qui exige la longue durée des vengeances cycliques). Pour du tragique, la dichotomie entre les bons-victimes (les Olsen) et les mauvaises-criminelles (les Sinclair) équivaudrait à un simplisme indigne (Dans la tragédie classique, un personnage tel que Créon n'est pas absolument mauvais et la position d'Antigone reste questionnable, Agamemnon est horrifié de tuer sa propre fille, Clytemnestre est dégoûtée de tuer son mari). Or, l'opposition entre les Sinclair et les Olsen n'est pas dichotomique (si elle l'était, les choses seraient moins problématiques), elle existe sur un fond COMMUN (COMMON GROUND). L'acte criminel déchire un support partagé : la paix de façade des résidences sécurisées (EVERYTHING NICE). L'enfance choyée et relativement opulente peut générer le crime, loin de toute zone urbaine dite sensible (loin des barbares).
Le ver est dans le fruit
Ces sanctuaires de normalité où éclot la sauvagerie mettent à mal une vision de la classe moyenne-noyau de la nation menacée de l'extérieur. Même quand la mort frappe de l'intérieur, les idéologues essaient de tordre l'évidence afin d'exorciser toute remise en cause. Dans The Inside, l'Axe du Bien se révèle plus problématique que l'image qu'il veut donner de lui-même. Ce qu'il faut protéger se révèle l'endroit où, tel une peste endogène (FROM INSIDE), le danger se développe. Voilà qui est déprimant pour l'idéologie dont les Bush se voulurent les hérauts. Rappelons que The Inside fut diffusé sur la chaîne Fox en 2005, pendant la présidence de George W. Bush.
Le casting
Madison Sinclair est incarnée par la jeune Jennette McCurdy, une vedette aux Etats-Unis. Son personnage est subtil et épouvantable. Sa mère est également affreuse de fausseté. La mère d'Henry est géniale de pudeur, de maladresse, de bonhomie frappée. Quant au GROUNDkeeper, Teddy, il a vraiment l'air insomniaque et durablement lessivé. Le flashback où Henry Olsen apparaît QUELQUES SECONDES suffit, avec quelques informations données par sa mère (il lui arrivait encore de mouiller son lit), à faire de lui un personnage incarné dans une joliesse fragile. Tous ces rôles qui n'apparaîtront que dans un épisode sont distribués et joués à merveille. Mention spéciale pour la petite camarade d'Henri et Madison. Ce personnage est très humain dans son hésitation permanente, empêtrée dans une auto-censure dont elle cherche à émerger avec plus ou moins de velléité.
Le casting de Virgil Webster
Dans cet épisode, l'unité spéciale formée par Web se révèle si efficace qu'il se contente à une ou deux reprises de donner une pichenette organisatrice, et tout suit son cours. Web apparaît ici en figure spéculaire du réalisateur de cinéma qui a confiance en son équipe. Il veille au grain, mais laisse à ses collaborateurs le pouvoir d'agir selon leurs compétences et de s'arranger entre eux. Chaque agent poursuit sa logique. Le collectif est fort des différences qu'il contient. Au bout du compte, l'équipe vue comme un tout aurait pu difficilement agir plus efficacement, eût-elle été dirigée par un chef plus présent.
Ses hantises, telles une loupe
Quel rôle jouent dans cet épisode les traumas de Rebecca, ce filtre informatif à travers lequel elle voit mieux et plus loin ? Comme souvent, Web invite Rebecca à lui faire part de sa conclusion d'étape. Après les auditions des deux suspects, elle avoue que son expérience du rapt qu'elle a subit quand elle avait l'âge de Madison nourrit son intuition (Elle se garde de parler de ses certitudes). Êcartant l'ambiguïté de sa remarque, elle précise que si Madison lui rappelle quelque chose ou quelqu'un c'est l'homme qui l'a enlevée. Elle perçoit en elle ce qu'elle sentait en lui. "You mean a sociopath..." Web l'invite à suivre sa piste. Web : "Et nous saurons découvrir la vérité, IF SHE LIES. THAT'S WHAT USUALY CHILDREN DO."
Au vent frais du cynisme
Au cours de cette enquête, l'image de l'enfance pure et innocente se voit démonétisée. The Inside n'est pas seulement exempt de vulgarité, l'inspiration de ses auteurs, le style de ses personnages, ce qui ressort de leurs échanges, exprime (et c'est particulièrement vrai dans cet épisode) une saine résistance face au politiquement correct. Iconoclasme face aux fétiches consensuels. Dépoussiérage de pas mal de clichés. Everything nice est le seul épisode où Rebecca frôle la limite de l'irrégularité (elle est d'ailleurs légèrement sanctionnée). Il est à noter que c'est face à une enfant qu'elle estime devoir user d'arguments qui impressionnent. — Madison : "Vous êtes du FBI..." Rebecca : "Well, yes... and I'm taller than you and I've got a gun." Rebecca n'a pas de mandat. La petite fille l'accusera (mentira, ainsi que le font habituellement les enfants) de l'avoir poussée en bas de l'arbre. Lorsque Rebecca racontera la scène à Melody, celle-ci sera soufflée, amusée, admirative. C'est aussi ainsi que la dynamique s'insuffle.
Subtilité d'un personnage un peu simpliste
Danny est réactionnaire, efficace, peu enclin à la psychologie des profondeurs. Il se voit néanmoins confier l'interrogatoire de Teddy, le gardien. Face à l'homme épuisé, il sait établir la confiance et se conduit avec une humanité subtile (de façade, mais c'est alors d'autant plus subtil). Il établit une sorte de complicité à partir d'un fait aussi ténu que l'affinité de son prénom d'usage, Danny (et non Daniel) avec celui de Teddy (et non Edward). Danny est réactionnaire mais décidément efficace, fin psychologue quand il s'y applique (Il mérite d'être mieux connu). Psychologue presque fin, puisque, contrairement à l'avis de Danny, Teddy n'est pas coupable.
Paul futur père
Paul a amené l'échographie qui montre son futur (?) fils. Il ne peut pas s'en passer. Il la montre à tout le monde. Rebecca, en arrivant, croit d'abord qu'il s'agit d'une photo de scène de crime. Maintes remarques bouffonnes s'expriment sur la pourriture ambiante qui attend le futur individu. Paul est amusé mais ce préambule et l'affaire qui s'annonce va le remuer dans sa nouvelle sensibilité. L'amorce d'un fil trans-épisode se voit amorcé. Par sa paternité potentielle, Paul sera conduit, un peu comme Rebecca, poussé par Rebecca, à mêler sa sphère intime aux rapports humains et à la psychologie de crimes inconcevables, inabordables par des voies ordinaires. Futur (?) fils.... Fils dont l'avortement est à venir lors de la fausse couche de sa femme, dans l'épisode Thief of heart. Quant au deuil de Paul, il jouera un rôle important dans l'épisode Aidan.
Théologie contemporaine
Dans un monde déserté par le divin, les débats métaphysiques font rage. Un équivalent des débats entre les résidents de l'Olympe qui animaient la littérature antique peut se retrouver dans les controverses éthiques et philosophiques qui ont parfois lieu à l'occasion des enquêtes. Ainsi, les désaccords sur la peine de mort (Danny est pour) font partie des divergences qui s'expriment alors que les agents se permettent des remarques d'ordre général. Rebecca, à l'issue de ce cas, évoque une hypothèse (juste une hypothèse) particulièrement scandaleuse, défi lancé aux tenants d'un Dieu juste comme aux adeptes du déterminisme psycho-social : peut-être que le mal apparaît PARFOIS juste comme ça... SANS RAISON.
EVERYTHING NICE (fin).
OLD WOUNDSvv . . . . . . . . . . | épisode n° 3 | Réal. : Nick GOMEZ Script : Mark FISH
PLUSIEURS femmes sont retrouvées assassinées. Parmi les violences subies, la légiste note des traces de coups ou sévices datant de plusieurs semaines avant leur mort, période où elle menaient une vie sociale normale. Les soupçons se portent vers un adepte du SM-rôle dominant.
OLD WOUNDS (suite) :
Ce magnifique épisode nocturne mériterait une étude exhaustive. Cette revue se limitera aux aspects thématiques ainsi qu'à quelques remarques sur les personnages et certaines répliques. Je soulignerai également quelques exemples de cette musicalité et de cette ambiance qui confèrent à la série son pouvoir envoûtant. — Old wounds, blessures anciennes. Le titre renvoie aux marques qui se trouvent sur le corps des victimes aussi bien que dans l'âme de Rebecca.
Rebecca, une construction volontaire de Rebecca
Qui est-elle ? — Cet aspect thématique au cœur de la série s'impose au milieu de cet épisode de manière cruciale. — Alors qu'ils sont en planque dans un local situé en face des fenêtres du suspect, le cours des propos échangés entre Paul et Rebecca fait soudain comprendre à celle-ci que celui-là connaît son secret. Rebecca s'exprime d'abord d'une manière étrange : "You know", lui dit-elle. Question ? Affirmation ? De quoi s'agit-il ? Qu'est ce que Paul est supposé connaître ? "You know who I am." Un échange raréfié s'ensuit. Peu de paroles, des sous-entendus, de l'implicite. Paul s'excuse à demi-mot, il est confus d'avoir fait des recherches dans des dossiers confidentiels. Il s'exprime d'une manière sobre et sincère. Mais quand il a la maladresse d'appeler Rebecca "Becky" celle-ci réplique vivement. Son émotion est palpable mais son autorité de ton surmonte les écueils du pathos. — Elle est qui elle est et non ce qu'elle fut, cette adulte ici présente, une professionnelle d'élite appartenant à une unité d'élite, une femme qui entend qu'on la connaisse et reconnaisse uniquement comme elle-même se considère, se veut, se sait. — De cette confrontation assez âpre mais presque chuchotée se dégage une musicalité hypnotique. Cette clarification est de celles qui renforcent un lien et peuvent fonder une amitié. L'effet produit va au delà des mots. Le sens est passagèrement ambigu. Les mots pourtant distincts sont pour un instant dépourvus d'un sens univoque. C'est un ton singulier, c'est un vide qui entoure ces vocables — "You know." — qui marque l'esprit quelque part à côté de l'intellect, dans une zone indécise.
Paul ou la morale encombrante
Cette affaire a pour cadre des pratiques fétichistes. Il s'agit d'un objet propice aux commentaires moraux là où ils n'ont pas lieu d'être. Paul a tendance à porter des jugements qui risquent de rendre confuse son objectivité opérationnelle. Il est d'autant plus tenté par les qualificatifs de valeur qu'une des victimes est une jeune magistrate qu'il a pu apprécier et aux charmes profonds de laquelle il n'était pas insensible.
— Cole Brand, le suspect, est un oisif. Son goût pour les rapports sadomasochistes occupent ses loisirs et contribuent à son personnage. Il proteste avec ironie d'être mis sous contrôle. Il se moque des enquêteurs qui l'interrogent. Il se montre provocant et vaniteux. Il raille les "cookies" à la morale que lui sert l'agent Ryan. Il est plein d'esprit, fin, intelligent. Il se désigne en fait comme un bon candidat à l'inculpation. Néanmoins, Web décide de le libérer en le gardant sous surveillance. D'où la planque de Paul et Rebecca.
La crise morale de Paul Ryan
Cole Brand a compris que Paul connaissait et appréciait la magistrate assassinée. Il le nargue et le provoque en faisant valoir de manière cynique la manière dont lui-même la connaissait. Mais il se défend fermement de l'avoir violée et tuée. Par la suite, Paul et Rebecca échangeront leurs points de vue sur la normalité sexuelle. Rebecca rejette ce concept. Elle comprend que des êtres puissent se soumettre à des sévices et des dégradations apparentes afin de surmonter leurs blessures. Paul est incrédule. Rebecca expose une vision exigeante de la déontologie. Il vaut mieux, selon elle, laisser de côté toute vision morale simplificatrice.
Rebecca et l'enjeu actuel
Blessure psychique ne signifie pas nécessairement perte mais épreuve. Rebecca connaît cette logique de fort près. Qui surmonte l'épreuve du feu est plus fort qu'avant. Rebecca l'a fait. C'est par cela qu'elle est qui elle est. Cole Brand sera dramatiquement mis dans une telle situation. — Blessure et reconstruction nécessaire.
Double épreuve
Rebecca rend une visite informelle à Brand. Elle agit dans l'intention d'une perquisition polie et sans mandat. Le playboy vaniteux la reçoit avec l'ambiguïté qu'il affectionne. Il veut manipuler Rebecca. Il sort le grand jeu dont il est coutumier en l'invitant à un rituel dont il a l'expertise. L'idée clé est exprimée : "You'll feel stronger." Rebecca ne trouve pas l'échappatoire. Faut-il croire que son désir joue des tours à son professionnalisme ? Soudain menottée par le dominant, elle décompense et part en vrille. Comme dans l'écho d'un traumatisme lointain mal surmonté, elle exprime alors une terreur sans limite. — Elle reprend ses sens dans la rue sombre, en bas de chez Brand, où Paul la retrouve. Que s'est-il passé ? Une rapide reconstitution a lieu dans la résidence de Brand. Cette reconstitution un peu scabreuse — avec Paul dans le rôle de Brand sous le regard amusé de Web — conduit Web à conclure que cet homme ne peut être le coupable des crimes dont on l'a soupçonné.
Simulacre et réalité
Rebecca approuve la conclusion de Web. Devant la VRAIE panique de Rebecca, Brand a paniqué. Il l'a laissée partir et a lui-même disparu. Il n'est à l'aise que si le rapport sadomasochiste reste UN JEU. Il n'est pas le tueur recherché.
Inversion des rôles
Paul et Rebecca ont pour informateur un ex-agent du Los Angeles Police Departement disposant d'un dossier de police des mœurs dans lesquels Brand est mentionné. Cet ex-flic voue au playboy une haine jalouse. Alors que Brand a disparu, les enquêteurs du VCU retournent chez leur informateur. L'homme est absent. Dans son bureau ils découvrent des pièces à convictions, mèches de cheveux et autres indices concordants de la culpabilité de l'homme. Il est le tueur recherché et il a enlevé Brand. — Old Wounds fait partie de ces cas où le premier suspect, loin de confirmer sa culpabilité, devient la nième victime du vrai coupable (Ce schéma réapparaît dans Loneliest number). Quant à l'ex-fonctionnaire, officiellement protecteur de la paix civile, il se révèle un horrible criminel. Voulant assouvir ses frustrations il a violé et assassiné quatre femmes, toutes des anciennes partenaires de Brand lors de rituels S&M. Il a cherché à faire de Brand le coupable idéal. — Ce n'est qu'un début.
Outrage au narcissisme
Brand est aux mains du "normopathe-sociopathe". Le dominant est neutralisée. Son ravisseur est obsédé par sa nouvelle victime dont il connaît le background. — La mère de Brand est une ancienne prostituée. Son père, à présent décédé, était un homme riche qui avait violée sa mère avant de l'épouser. Cole Brand va être violé à son tour dans le lieu même où sa mère et son père se connurent. L'ex-flic l'attache au lit, le sodomise et se suicide. — La police, en arrivant sur les lieux, ne peut que constater.
Inversion des rôles, dénouement en miroir
Brand avait invité Rebecca dans ses manigances en lui suggérant qu'elle en sortirait plus forte. C'est maintenant Rebecca qui retire au playboy déchu les menottes qui l'entravaient. "You'll be stronger." Ce qu'elle lui murmure alors est soit ironique et cruel soit un encouragement à se reconstruire. Elle-même y a réussi. Il peut le faire.
Dialectique
L'épreuve est un facteur d'humanisation.
Si Web n'est pas (uniquement) ce qu'il paraît, qu'est-il alors ?
Dans cet épisode, Web assume une apparence de cynisme et d'insensibilité cocasse. Il joue à celui qu'on aime détester. Danny et Melody en on vu d'autres et ne sont pas surpris des frasques provocatrices de leur chef. Web ne ménage pas Paul. Paul n'y va pas par quatre chemins. — Au dénouement, Web profère son credo devant Paul qui n'en revient pas de tant d'aberrations. Cette histoire n'est pas aberrante aux yeux de l'homme qui sait. Web : "We are made of our past." Paul lui réplique alors : "What is the past you're made of ?" — "Quel est ce passé dont vous êtes fait ?" — Web ne peut renvoyer à Paul qu'un éloquent silence psychanalytique, un vide sémantique plein à craquer d'on ne sait quoi.
Un homme est retrouvé égorgé. Il travaillait comme homme d'entretien dans une cité universitaire. Dans son repaire privé la victime stockait quantité d'objets et documents indiquant le collectionneur psychopathe. Parmi ces documents, des photos volées d'étudiantes. — Il apparaît que le meurtre de cet homme s'inscrit dans une SÉRIE d'assassinats de personnages semblant nourrir eux-mêmes des idées de meurtres. Et si on avait affaire à un tueur en série de futurs tueurs en série ? À un pre-filer, selon l'expression crée par Melody et aussitôt adoptée. — Si ce coupable-justicier, ce criminel-tueur de sociopathes était un peu MOINS performant, cet épisode serait un pur chef d'œuvre. En l'état, Prefiler est simplement une petite merveille. — Déviant sur-qualifié, le Prefiler — interprété par Michael Emerson — est exemplaire de cette catégorie de malfrats experts dans des domaines complémentaires mais difficilement maîtrisables par un seul individu : détournement de systèmes informatiques, intrusion sans effraction dans des locaux physiques, maîtrise corporelle d'adversaires de chair et d'os, aptitude à investir divers théâtres d'action presque simultanément, art de la provocation et de la communication, talent rhétorique pour concevoir des théories morales d'apparences convaincantes, surclassement en performance de l'institution policière (pour un temps du moins).
Le combat des idées
Légitimité auto-proclamée, revendication d'un droit supérieur à la légalité en vigueur, raisonnements retors pour justifier l'inacceptable..., il faudrait un nouveau Socrate pour démonter les SOPHISMES cachés dans l'argumentaire du Prefiler. — Le Sophiste-criminel requiert un maître philosophe pour le neutraliser moralement doublé d'un bon détective afin de l'arrêter au nom de la loi. — Et si L'agent Locke soutenait le défi ?
Protagoras contre Socrate en 2005
Le Prefiler n'a de cesse que les enquêteurs reconnaissent ses prouesses et ses bonnes raisons. Il va provoquer et solliciter Rebecca afin qu'elle se rallie à son imparable logique. En l'appelant sur son portable il va la mettre en porte à faux. — Il a déjà hacké le FBI, s'est immiscé sur le poste de Rebecca, connaît son numéro de téléphone, il a aussi accompli quelques autres actions dignes d'un service de police à lui tout seul. Il pose à Rebecca, dont il connaît le passé, la question qui tue : "N'auriez-vous pas préféré que j'en finisse avec votre ravisseur avant qu'il ne passe par la fenêtre et ne s'empare de vous ?" — Les dix dernières minutes de l'épisode seront consacrées au procès d'un pédophile en puissance que le Prefiler séquestre et au jugement duquel il contraint Rebecca d'assister. Cette justice privatisée est un triple coup de force : violence meurtrière, mal prétendant agir au nom du bien, assignation sous contrainte d'un agent légitime par la prise à témoin de Rebecca afin qu'elle cautionne cette dérive absolue. Il veut l'adhésion de l'agent Locke à la sentence qu'il a déjà arrêtée. — Cette séquence expose les bienfaits et les limites respectives de la loi procédurale et des sanctions plus expéditives. C'est bien entendu ces dernières, avec lui-même comme juge et exécuteur, que le Prefiler juge infiniment préférables.
PREFILER (suite) :
Rebecca saura PLAIDER pour le droit contre cette justice SOPHISTIQUE.
Le Prefiler aiguille les enquêteurs
Quand le cadavre du gardien d'internat fut découvert, Rebecca avait effectué une recherche dans les fichiers. Traçant d'autres meurtres sur hommes préparant crimes, elle avait dégagé deux cas non résolus correspondant au critère. — Web avait RECONNU dans le tueur un semblable ou du moins un concurrent. "He's doing what we do !" — Mais comment procède-t-il pour localiser ces hommes aux caractères anormaux, occupés à des manœuvres cachées et ayant échappé à la vigilance policière ? Cette question devra attendre un peu avant d'être résolue. — Pendant ce temps, un homme est exécuté dans sa voiture en stationnement. Il correspond au PROFIL. Le Profiler accélère, il monte en puissance. Il s'apprête au grand jeu, à manifester puissamment la grandeur de sa démarche, à déclamer haut et fort la justesse de ses convictions. — Jouant gros, le Prefiler va mettre l'équipe de Virgil Webster sur la piste de sa prochaine victime ! Le Justicier a abandonné derrière lui une mémoire de GPS. Carter décrypte la puce... et c'est au pavillon d'une famille Comack d'allure tranquille et à la prospérité extérieure raisonnablement enviable que Paul et Rebecca se présentent. — Ils vont mettre la maison sous protection. Ce faisant, ils furètent à la recherche de documents compromettants. Roger Comack, le père de famille, a sans doute des pulsions dangereuses sous ses apparences trop normales.
Le criminel est au service de la police
Le VCU suspecte Mr. Comack sur la foi du criminel. L'homme qu'ils pourchassent assume de fait un statut d'adjoint de police, d'auxiliaire supposément lucide et compétent.
L'homme protégé est un danger public
Chez les Comack, Rebecca va tomber sur une collection de revues pédophiles placées dans une valise. Web va s'intéresser au mode postal d'acheminement de ces publications illégales auxquelles sont abonnés les personnages ciblés par le Prefiler, pédo-pornographie, revues militaristes ou de type smut. Web déduit que le Prefiler travaille à la poste ! Son travail lui a permis d'intercepter certains documents qui l'ont aidé dans ses profilages. — Mais, alors que Web et Melody questionnent le chef du tri postal, il apparaît que l'homme athlétique, intelligent et cultivé qu'ils poursuivent n'a pas repris son service récemment. Quand à Comack, il a également disparu. — Sur les indications de Mrs. Comack, Paul et Rebecca retrouvent Roger dans une chambre d'hôtel qu'il loue habituellement, lors de déplacements professionnels. C'est également son repaire de repérage d'enfants-proies potentielles. La chambre donne sur une plage et un parc d'attractions où de nombreux enfants peuvent être observés et éventuellement sélectionnés. — Quand les deux agents pénètrent dans la chambre d'hôtel, Mr. Comack n'est pas seul. Le Prefiler est là. Il assomme Paul, obligeant Rebecca à le suivre ainsi que le père de famille aux intentions malsaines.
Rencontre des contraires, opposition des analogues
Avant de considérer la scène finale, il convient de rapprocher de nombreux éléments de cette enquête avec les prédilections de The Inside. La série revient sans cesse sur des configurations où les statuts, les qualités et les prérogatives des personnages se refusent à toute classification rassurante — Les victimes des crimes que les enquêteurs veulent élucider sont ici des criminels. Sont-ils des criminels ? Oui ET non. La logique aristotélicienne (?) entre alors en crise. Or c'est bien oui ET non. Pas tout à fait, comme on le distinguera ci-dessous. — Le criminel est comme nous, il fait notre travail, affirme Web. Il est meilleur que nous, admet-il. Rebecca qui le traque aurait pu lui rendre hommage et lui devoir infiniment, eût-il été "en opération" à l'époque de son enlèvement (il aurait alors pu neutraliser son ravisseur). Or, elle pourchasse celui qui lui veut du bien. Elle veut neutraliser celui qui prétend intervenir pour leur sécurité, à elle à toutes ces victimes potentielles, ses semblables. Il est son ami, prétend-il. Or il est son ennemi et ce qu'elle combat. — The Inside excelle à nous montrer des lieux de protection se révélant des pièges où la cruauté s'exerce, des domaines de sécurité apparente viciés par la violence, des êtres qui agissent à l'encontre de leur statuts supposés, des configurations où le bien apparent se révèle le mal et où le mal n'est pas cet absolu qui plaît aux bonnes âmes. Prefiler contribue avec brio à cette mise en soupçon. — Les intentions apparemment louables du Prefiler constituent une barbarie.
Prouesses dignes d'une série B
Les exploits techniques des criminels que la série met en scène outrepassent fréquemment les possibilités réelles. Ces exagérations pourraient conférer à The Inside un air de série B. Isolées, les capacités opératoires exceptionnelles de quelques uns des sociopathes portraiturés pourraient relever du film dit d'action. Or, ce n'est pas l'impression qui prévaut.
Complexités dignes de Dostoïevski
L'intelligence des criminels et les dilemmes qu'ils suscitent sont des défis aux simplifications courantes. L'attention des spectateurs est portée vers des énergies au-delà du bon sens ordinaire (qui n'est pas la raison). Les problématiques exposées sont de violents antidotes à tout infantilisme. L'étude de mœurs en temps de crise porte une attention aiguë à des paradoxes émouvants et/ou ridicules (ainsi, dans le milieu hyper-normal et hyper-névropathe de Everything nice). Le film prête attention à des modes d'attentions paradoxaux : conceptions de criminels comme le Prefiler mais aussi paradoxes hyper-rationnels de Webster et Rebecca, humour de Melody, méandres de l'âme humaine ou, à l'inverse, bizarrerie des règles établies. Au bout du compte, ça n'a vraiment plus rien à voir avec de la série B.
Gestualité et musicalité
Le Prefiler est captivant. Moins par ses actions que par son style, moins par ses arguments (néanmoins forts irritants) que par sa texture, son allure et sa tonalité. Michael Emerson est un acteur intéressant. Tout dans la physionomie de son personnage exprime un être secondaire. Il a de la distance. Il considère. Il est d'accord sur certains points avec celui qu'il va exécuter. Il est sans haine, sa hargne est esquissée. Il est hâbleur mais précis. Va-t-il exploser ? Il a une classe certaine, une certaine pondération. Étrange, son mystère lui colle au corps. Est-il fou ? — La tonalité de Web est simultanément chaude (chaleureuse) et froide. Celle de Rebecca parfois sentencieuse mais alors d'une rationnalité quasiment onirique. Lui et elle excellent lors de certains dialogues, ainsi quand il lui demande de VOIR. Melody (Katie Finneran) est ici particulièrement fine, marrante et retenue. C'est elle qui invente le mot "Prefiler". Elle s'amuse une ou deux fois à être fière de sa trouvaille. Sa présence corporelle, plus lourde comparée à celle de Rebecca, est très bien vue et bienvenue. Son regard perplexe et bienveillant sur sa collègue est un mélange où bon sens et fantaisie font bon ménage.
Redondance envoûtante, tautologie hypnotique
Lors du premier briefing sur ce cas, quand le cadre général est fixé par Rebecca, Web résume le profil du tueur :
"He researches potential killers. Those that don't meet his criteria, he rules out. Those that do, he executes."
Rien que nous ne sachions déjà. Cette sentence ternaire est redondante quand au sens. Elle n'est qu'une formule cérémoniale. Elle est importante, nécessaire pour planter une ambiance, un ton, une solemnité.
"Victim, yes. Innocent, no."
Cette sentence prononcée par l'agent Locke en réplique donnée à Web lors d'un aparté sur scène de crime, est, au moment où elle survient, une platitude. Ces quatre vocables n'apportent rien en termes opérationnels. Il s'agit pourtant d'une ponctuation indispensable, moment aérien de l'épisode. La grâce du ton, la simplicité des mots, transcendent ici l'urgence fonctionnelle. Le découpage-montage de The Inside est rapide (selon la norme de ce type de production). Pourtant, l'action se suspend parfois et c'est un point d'orgue (au sens exact de cette expression) qui s'impose, un état second qui se signale.
Un "lieu propre" de la série
Nous avons évoqué certains thèmes de prédilection que la série s'approprie. Dans cet épisode, un élément habituel est présent : l'espace professionnel — dans une structure de service public — en tant que lieu de repérage utilisé par le criminel (comme dans New girl in town, Old wounds, Loneliest number, Lost little girl).
Paradoxe sociologique, spéculation métaphysique
Le Prefiler incarne une forme d'exercice sauvage de la fonction policière. Il transgresse le principe défini par Max Weber comme le monopole de la violence légitime. Cette transgression institutionnelle se double d'un défi métaphysique. Ce qui n'est pas arrivé existe déjà. La culpabilité vaut avant l'accomplissement de la faute. Conjecture vaut fait avéré. Après EST, et non seulement sera. — Ces considérations sont sophistiques mais pas si simples à évacuer. Ce n'est pas sur ce plan d'ailleurs que la justification du délinquant sera battue en brèche (quoique ce paradoxe donne lieu à échanges entre Danny et Paul puis entre celui-ci et Rebecca) mais plutôt sur un registre moral. Rebecca répond au Prefiler qu'il est au même niveau que ceux qu'il supprime.
Rebecca, aléas biographiques
Dans cet épisode, la séquelle biographique concernant Rebecca lui est d'abord resservie par la mention du passé Becky George dans les arguments du Prefiler. Mais que Rebecca continue à être hantée et poursuivie par son passé, cela se manifeste surtout quand, immanquablement, elle se (re) fait enlever. — Elle pourra se dire libérée de cette force néfaste uniquement quand elle cessera de se voir menottée, maîtrisée sous la menace d'une arme, neutralisée afin d'avoir les poignets lacérés, séquestrée en prévision de son ingestion par un cannibale. Elle (re) tombe dans de tels pièges, comme ici, dans près de la moitié des épisodes.
Morceau de bravoure et dilemme éthique
Comme dans l'Orestie, comme dans M le maudit, le drame connaît son sommet lors d'un procès hors-cadre. Cette scène atteindra-t-elle au statut d'une justice d'un nouveau type (comme à la fin de l'Orestie) ou sera-t-elle disqualifiée comme parodie ainsi que le souhaite Rebecca ? — Le Prefiler a déjà condamné Roger Comack. Il veut imposer Rebecca comme juré (ou experte-consultante) afin qu'elle légitime son acte. Il veut lui démontrer l'inanité de ses scrupules légalistes. Rebecca répond au mégalomane que la justice ne joue aucun rôle chez lui. Il n'agit que par NARCISSISME, vanité et volonté de puissance. Comack est ligoté, baillonné, martyrisé par le Prefiler. Tenue en respect, Rebecca conserve à Comack, homme aux pulsions dangereuses, sa valeur d'humanité. Elle souhaite désespérément le sauver. Le sauver c'est sauver l'état de droit, c'est également, en langage chrétien, sauver la part d'humanité de tout pêcheur. (Ce serait aussi, plus scientifiquement, admettre les déterminismes qui peuvent atténuer la culpabilité d'un méchant. Mais si ce point est quelquefois exprimé dans la série ce ne peut être le cas ici car nous ignorons les antécédents de Roger Comack). En tout état de cause, le Prefiler n'a pas le droit de juger. Il est comme, voire pire, ceux dont il entend disposer. L'heure est-elle au calme scientifique ? Il semble que l'agent Locke ne se départisse jamais de cette tournure d'esprit. Elle réplique au Prefiler qui l'accuse de défendre un pédophile : "I'm keeping a clear perspective on a basically law-abiding person whose life has been openly threatened by a serial killer." Celui qui tient l'arme a beau jeu de lui répondre : "It's just textbook, huh?" Autrement dit, pour lui, du blabla — Rebecca et Comack sont finalement libérés par l'opération menée par les collègues de Rebecca. — L'exécuteur, juge auto-proclamé, demande qu'on l'abatte : "Just kill me." Rebecca a alors cette formule souveraine : "... I think we'll ARREST you." — Façon juste et cruelle (car civilisée) de répondre à l'énergumène.
PREFILER (fin).
LONELIEST NUMBERvv . . . . | épisode n° 5 | Réal. : James A. CONTNER Script : Richard HATEM
Le suicide d'une jeune femme par coupures aux poignets est mis en doute par l'autopsie révélant la présence d'une drogue paralysante dans le corps de la victime. Trois autres suicides apparents révèlent la même intoxication avec traces d'injection. — Le journal intime d'une des victimes indique cependant qu'elle était bien suicidaire. Un traçage des appels téléphoniques des quatre victimes révèle qu'elles avaient toutes pris contact avec un centre de prévention du suicide. L'écoute méthodique des conversations enregistrées et conservés par le centre de prévention signale qu'une des fausses suicidées avait parlé à l'un des écoutants le jour même de sa mort. Celui-ci avait obtenu de la rencontrer. Rebecca est chargée de tester le bénévole en question. Elle lui téléphone en simulant le désespoir d'une solitaire à bout de ressources. Assistant à la conversation, les collègues de Rebecca sont médusés par le numéro de la jeune femme. Son pathos est absolument crédible. S'agit-il d'un talent de comédienne ou d'un reflet authentique de son état d'âme ?
LONELIEST NUMBER (suite) :
Dans Loneliest number, l'ensemble formé par le premier suspect puis par la coupable réelle, leur milieu commun, la sphère sociale dans laquelle l'enquête évolue n'ont rien de palpitant. Pas de personnage irrésistible. Le premier suspect est très fade, la tueuse en série est d'emblée désagréable. C'est plutôt normal. Quoiqu'il en soit, elle est moins fascinante que la plupart des tueurs en série ou non de la série. — Sur le plan thématique, la tueuse de personnes suicidaires, puisque c'est de cela qu'il s'agit, rejoint le responsable du centre de vidéo-surveillance de l'épisode New girl in town. Tous deux ont des fonctions sociales qui, par delà leurs différences, ont deux grands points communs.
Le poison (à nouveau) dans le fruit
Au sens large, leur vocation commune correspond à la prévention et à la protection. Tous deux inversent cette fonction. Leur profession devient un parfait alibi et un moyen dans l'accomplissement des phénomènes qu'ils sont supposés combattre : la délinquance, le crime, la mort violente. Ils incarnent de fait ce que leur mission officielle considère comme l'Ennemi. Cette figure est aussi classique dans la fiction qu'hélas dans la réalité. Abus de position, trahison de mission, diamétrale inversion entre l'identité publique et l'activité cachée, la série renouvelle et enrichit cette typologie fondamentale. The Inside..., la métaphore (selon un aspect au moins de sa polysémie) est ici très précise. L'ennemi est à l'intérieur, AU SEIN MÊME de l'entité destinée à le combattre, dans le cerveau et le corps des personnes affectées à cela. Comme la plupart des dits sociopathes de la série, tous deux appartiennent à la partie intégrée de la société. Ils ont un travail supposé utile, ils sont dotés d'une certaine respectabilité ou d'une respectabilité certaine. Tous deux aident la police ou proposent à celle-ci leurs services. Je peux vous aider, je suis habilitée à cela, j'ai déjà servi comme experte lors d'une procédure judiciaire..., explique la responsable du centre de prévention à Paul et Rebecca alors qu'ils se présentent dans ses bureaux.
Outil professionnel propose yeux et oreilles pour préparation de crimes
Point commun opérationnel : la sélection des futures victimes exploite un appareillage audiovisuel. La préparation criminelle emploie les mêmes outils que l'industrie de l'entertainement, le showbusiness, le broadcasting, l'art cinématographique. Les structures légitimes qui emploient les tueurs sont des organes de regard et d'écoute. — The Inside ou l'art du crime par la reproductibilité technique des images et des sons. — Dans d'autres épisodes (New girl in town, Prefiler, Skin and bones) l'informatique et l'internet contribuent au mode opératoire criminel (dans le piège tendu aux victimes ainsi que dans la signature du crime, la communication et l'auto-promotion du criminel). — À titre de repère, quand la série fut lancée le streaming sur le web était encore récent (Skype fut créé en 2002, Youtube en février 2005, trois mois seulement avant la diffusion du premier épisode de la série). — Les sociopathes de ces épisodes annexant le réseau électronique dans leur arsenal ont décidément une EXPERTISE précoce dans le maniement des technologies câblées aussi bien que dans celles du meurtre. — Dans cet épisode, la tueuse utilise des artefacts plus anciens, le magnétophone à cassette et le téléphone.
Vie intime et image-s professionnelle-s de l'enquêtrice
Cette même technologie, le téléphone, est utilisée par Rebecca lorsqu'elle révèle à ses compères — intentionnellement ou pas — une facette insoupçonnée de sa psyché : sa solitude et son sentiment de dévalorisation. Voulant tester le premier suspect, elle l'appelle comme une suicidaire et celui-ci va lui proposer un rendez-vous. Si l'outil matériel (le téléphone) est traditionnel, la technique de communication envers ses proches se révèle très sophistiquée. Parler à l'un, présenter cette parole aux témoins dans la salle sous le statut du simulacre, mais sous ce simulacre transmettre comme en contrebande une vérité sur soi-même est en effet assez redoutable. Dans la seconde qui suit sa parfaite et pathétique performance, Rebecca s'est ressaisie. Furtivement, elle se montre juste étonnée devant l'immobilité étonnée de ses camarades. Puis, sans coupure, c'est business as usual.
Mise en scène statique pour effet dynamique
Cette scène est réalisée avec un parti pris statique. La mise en scène se dispense de rien souligner. Le montage opère certes plusieurs inserts et contrechamps vers l'immobilité concentrée des collègues de Rebecca. Ceux-ci assistent à son jeu, silencieux et figés derrière elle. Seul Paul se déplace lentement. Lent travelling sur lui et, selon son point de vue, sur Rebecca vue de dos. On ne voit pas le visage de la jeune femme. On peut lui supposer des larmes, mais quand elle raccroche et se retourne ses yeux sont SECS. Ce moment est un fort moment de cinéma, en outre très léger, une démonstration non démonstrative de maîtrise esthétique.
Rebecca, WIRE AND WIRELESS UNCOVERING
Une logique de démasquage est en cours pour Rebecca. Cette logique doit rester indirecte, pas de confidence frontale. Cela nourrit des situations subtiles où les informations sont délivrées par rebond. Les destinataires superficiels sont les suspects devant lesquels l'agent Locke joue un rôle undercover. Ce sont les destinataires superficiels d'un mensonge chargé d'éléments de vérité. Les destinataires finaux du dévoilement sont Mel, Danny, Carter. Paul à un moindre degré, puisqu'il connaît déjà l'essentiel. Pas Web, puisqu'il qui semble en savoir davantage sur Rebecca qu'elle en sait elle-même. Lorsqu'on adjoint à ce schéma les spectateurs devant leur écran cela donne une situation communicationnelle vraiment raffinée. Cette complexité pourrait sombrer en confusion, il n'en est rien. — Au téléphone, Rebecca a livré quelque chose d'elle-même. Quand elle rencontrera l'écoutant suspect, elle sera munie d'un émetteur HF permettant à ses collègues de rester en contact avec elle. Un pas nouveau va être franchi. Rebecca va répondre (par canal interposé) à la question QUI EST-ELLE ? Elle va livrer devant le suspect une histoire traumatique pour jouer son rôle de suicidaire. Or, cette histoire est celle de Becky George. Mel et Carter connectent les propos de Rebecca avec ce drame qui, à l'époque, avait fait les unes et avait bouleversé Melody (avec sa famille elle allait prier pour la petite Becky).
Rebecca piégée
L'écoutant ne reste suspect que pour un temps assez bref. Loin de confirmer une culpabilité quelconque, il est retrouvé assassiné. La responsable du centre d'écoute reste désormais la seule suspecte. Elle est entrée en phase d'accélération. Le danger grandit de voir s'allonger la liste de ses victimes. Or, Rebecca correspond au profil qui intéresse la tueuse. Par sa conduite précipitée, le jeune policière se jette dans la gueule du loup. Pénétrant seule dans le domicile d'un des suicidaires soutenus par l'association (Rebecca le devine menacé), elle est neutralisée par la travailleuse sociale délirante. Quand elle est déjà droguée, un poignet lacéré, Danny and Co interviennent et stoppent net l'assassinat en cours. L'assassineuse est tuée dans la lutte. — Elle n'avait pas de mobile mais une motivation maladive. Elle vouait aux suicidés une haine sans limite, s'étant retrouvée orpheline après que ses deux parents l'eurent abandonnée en se donnant la mort. — La stigmatisation des victimes était déjà apparue dans l'épisode. Ce sentiment négatif envers les agneaux dociles qu'on conduit à l'abattoir ou encore qui se sabordent eux-mêmes, Paul avait eut le sentiment que Rebecca n'était pas loin de le partager. Elle venait en effet de faire une remarque ambiguë sur ce que les gens méritent ou pas. Paul s'était insurgé contre le sous-entendu. Selon lui, la vaillance de Rebecca ne l'autorise nullement à mépriser les dits LOSERS et encore moins à relativiser la gravité de leur assassinat !
Rebecca rejoint l'humanité
Ayant repris le travail, Rebecca s'est attardée dans les bureaux en fin de service. Web s'approche d'elle. Il lui suggère alors, sous la forme d'un ordre mais en réalité dans une intention affectueuse, d'aller rejoindre les autres au bar. C'est ce qu'elle fait.
Plusieurs incendies suspects ont eut lieu à Los Angeles. Web s'est saisi de l'affaire. Son équipe est rassemblée à proximité d'un entrepôt qui vient de partir en fumée. Web demande à Rebecca d'inspecter les décombres. — En pénétrant dans les locaux calcinés, elle ressent une appréhension. Son malaise (sa phobie ?) provient sans doute de la mémoire de son enlèvement. Elle avait dû alors sa libération à un incendie. — Paul interroge Web. Pourquoi celui-ci s'est-il porté volontaire sur cette enquête ? Cette catégorie d'affaires est habituellement confiée au Los Angeles Police Departement. Web n'aura-t-il saisi ce cas qu'afin de mettre Rebecca à l'épreuve ? Paul en discute avec Mel et Danny. Ils sont tous trois choqués par une telle instrumentalisation.
POINT OF ORIGIN (suite) :
Rebecca revient perquisitionner dans le bâtiment détruit. Aux prises avec ses hantises, dans un état de peur, elle va croiser des ouvriers vacant tranquillement aux premiers travaux. Rebecca les croise comme on croise un rêve. Elle et eux ne paraissent pas évoluer dans le même espace-temps.
Perquisition dans un état second
Cet effet est subtil. Le passé de Rebecca possède encore une emprise sur son imaginaire. Alors qu'elle sonde les parois d'une pièce, un faux plafond s'écroule et un corps calciné choit sur le sol. Rebecca est brutalement renvoyée à un POINT D'ORIGINE, à son ravisseur qui avait perdu la vie dans le feu. —
Après quelques briefings dans les bureaux, l'enquête s'organise. Il apparaît que l'homme carbonisé était un travailleur de l'entreprise qui squattait dans le bâtiment. Rien n'indique que cette victime soit le responsable de sa propre mort.
Changement de point de vue
La séquence suivante nous convie dans un hall de vente d'appareils audiovisuels. Un jeune homme à la démarche un peu bancale cherche à acheter un appareil de télévision. Il veut le plus beau et le plus cher. Alors que les images de l'incendie précédent (ou d'un nouvel incendie) sont retransmises sur certains téléviseurs exposés, le jeune homme va régler tous les appareils sur la chaîne en question. Environné par ces images de brasiers, il semble en extase. Il est alors prié de quitter les lieux.
Humiliation crie vengeance
On a compris que ce jeune homme à l'allure défraîchie est l'incendiaire (arsonist) en série. Il vient de subir une (nouvelle) humiliation en se faisant éjecter du magasin alors qu'il jouissait de ses hauts faits. — Quelques jours plus tard, un incendie ravage le bureau du vendeur de télés. L'incendiaire a organisé un embrasement ciblé, techniquement élaboré. Carter modélise cette opération qui utilise avec précision le phénomène d'appel d'air. Le criminel connaît la mécanique des gaz.
Sortilège de l'acteur
Tout l'épisode repose sur l'acteur qui incarne le personnage de l'incendiaire. La manière dont il est fagoté (jeu de mot involontaire) lui confère une anti-séduction presqu'envoutante. Ce Superman de l'incendie est un raté intégral de la vie. Tout en lui le proclame. Un narcissisme blessé est son moteur.
Piège-pari
Un piège va lui être tendu, basé sur l'hypothèse que l'amour-propre est plus fort chez ce criminel que l'instinct de conservation. Danny incarne alors un incendiaire furieux sur qui le FBI vient de mettre la main. Paul fait une brève conférence de presse. Le vrai coupable assiste devant la télé d'une cafétéria à cette opération qui le dépossède de ses propres péchés. Il s'insurge, il semble alors proclamer comme Patti Smith (GLORIA IN EXCELLIS) : MY SINS MY OWN THEY BELONG TO ME, ME. L'incendiaire va se constituer prisonnier. Il est interrogé. Il démontre par toutes les explications techniques nécessaires que nul autre que lui n'a pu organiser la série d'incendies.
Grand final
Pour finir, ayant demandé de l'eau, il s'immole en se versant le contenu de la carafe sur la tête ! Apothéose pour un incendiaire paranoïaque que cet holocauste avec de l'eau. Il réalise ainsi le chant de David Bowie : I WILL BE KING JUST FOR ONE DAY. On parlera de lui comme il se doit dans les journaux spéciaux (BREAKING NEWS). Il accomplit de la manière la plus distordue cet hymne de Joan Baez : YOUR AGONY IS YOUR TRIUMPH. — Carter expliquera le fin mot de la réaction chimique : un mélange d'iode et d'aluminium qui s'enflamme au contact du CO2.
Course contre la montre, recherche du point d'origine
Avant de s'immoler, l'incendiaire avait déclaré qu'il frapperait encore, POST MORTEM. L'enquête prend au sérieux cette menace. — C'est connu, on termine souvent par là où tout a commencé. Certains que l'amour-propre et l'amour blessé sont les mobiles déterminants du déséquilibré, les enquêteurs s'orientent vers une jeune femme dont ils savent qu'elle avait éconduit le jeune homme. Elle lui avait alors préféré un autre homme, pompier de son état ! Cap vers le domicile de la jeune femme. L'incendie a déjà commencé, les pompiers sont déjà à l'œuvre quand la police arrive sur ce POINT D'ORIGINE.
Illusion, vérité, catharsis
Rebecca contribue à dégager des flammes l'ex-amie du criminel. Mais, à travers le brasier, c'est une autre image qui la (nous) frappe. Un homme se tient là, immobile. Manifestation de l'imaginaire de Rebecca, cet homme figé derrière le rideau de feu ne peut être que l'ancien ravisseur de Becky George qui brûle éternellement dans la mémoire de Rebecca. — Épiloque : alors que Rebecca s'entretient avec Web, celui-ci peut se réjouir qu'elle ait franchi le mur des flammes. Dernière séquence : un flashback matérialise le POINT D'ORIGINE de la problématique Rebecca Locke. L'homme des flammes est maintenant montré au point initial du drame intime de Rebecca. Il se tient dans un parc, savourant un cornet de crème glaçée, on voit plus nettement son visage grêlé ainsi que sa chemise caractéristique mi-pychédélique, mi-cowboy. Il va s'approcher de TEN YEAR OLD BECKY.
Qualité des seconds rôles
Outre l'anti-héros de ce seul épisode, le chef des pompiers, second rôle s'il en est, est remarquable. Il a le personnage dans le corps et il est d'autant plus convainquant qu'il en fait peu et qu'il reste inexpressif. — Le personnage de l'incendiaire est intéressant car contradictoire, opérationnellement performant, nul et nullifié sur le plan existentiel. Rien n'y fait. Ces deux aspects sont très dialectiquement liés. Il est 2 dans 1 et cette combinaison fait dynamique. Il en résulte un ressort dramatique très éminent, le tragicomique.
Plusieurs dans le même (suite et encore)
Danny joue à l'incendiaire provocateur venant d'être arrêté, Paul au chef de la communication. Deux rôles fictifs dans la fiction. Le dispositif répond au goût de la série pour les problématiques en poupées russes. La réalisatrice de cette série filme, selon le script qui lui est proposé, un script conçu par ses personnages ici comme souvent devenus auteurs d'une mise en scène interne à la fiction. Cette soudaine multidimentionnalité de Danny et Paul est séduisante pour mon plaisir de spectateur et non seulement intéressante d'un point de vue analytique.
Spécularité, encore
La problématique-point d'origine du crime s'enroule autour de la problématique-point d'origine de Rebecca. Cette subtilité affirme une géométrie commune entre l'humanité déchue des coupables et une humanité bien ou mieux dans son assise qui serait celle des agents de l'Ordre. Mais les agents de CETTE police sont souvent dans un déséquilibre relatif. L'aplomb et la froideur intellectuelle de Rebecca contraste avec ses hantises, dans la confrontation avec un passé qu'elle n'en finit pas de digérer.
Vertige
Il n'est pas sûr que l'apothéose du vertige soit atteinte dans cet épisode remarquable. La physionomie de l'incendiaire surpasse en force incarnée tout le reste, y compris le plan de l'histoire de Rebecca. — La fin de l'épisode est néanmoins troublante et efficace, lorsque REVIENT par deux fois la silhouette du ravisseur de Becky George.
POINT OF ORIGIN (fin).
THIEF OF HEARTvv . . . . . . | épisode n° 7 | Réal. : Allan KROEKER Script : Tim MINEAR Craig SILVERSTEIN
Si cet épisode n'est pas à mes yeux le plus réussi, il est intéressant voire palpitant (avec ou sans jeu de mots) par moments et à plus d'un titre. — Un thème classique (un lieu commun) mainte fois visité par les genres western et policier surgit ici dans une série qui, globalement, ne le privilégie pas, qui ne le hisse pas au rang de ses thèmes principaux, qui ne l'intègre pas dans sa « centralité orbitale ». Ce thème avait toutefois été traité (de manière plus parfaite et vertigineuse) dans Prefiler.
L'articulation (délicate) entre la finalité de la Justice et le maintient (difficile) de celle-ci dans le formalisme de l'Institution
L'épisode Prefiler considérait la problématique de La Loi dans une double dimension, métaphysique et sociale. Cette perspective était d'emblée encapsulée dans le titre-jeu de mots. Existe-t-il une Justice à l'encontre de toute loi professionnalisée ? Une loi vengeresse indépendante et individualisée aura-t-elle droit de cité ? La pré-vision du crime et le châtiment anti-cipé peuvent-ils s'auto-riser et sur-passer le pro-filage et la recherche a post-eriori des criminels avérés ? Un crime qui n'existe pas encore existe-t-il déjà et doit-il être puni ex ante ? — Dans Prefiler, c'est le criminel qui lançait ces défis (la nécessité de l'arrêter se doublait du devoir de le réfuter). Ici, la problématique s'invite alors que les enquêteurs eux-mêmes prennent des libertés avec la lettre de la Loi pour, pensent-ils, mieux défendre l'esprit de celle-ci. Démarche banale mais unique dans la série (dont les protagonistes ont cette particularité de n'être point banals). Dans Prefiler, la problématique métaphysique (spéculative) était introduite par le tueur de futurs (ou supposés tels) tueurs qui affirmait l'équivalence entre virtualité et actualité du crime. Ici, nous sommes uniquement devant un dilemme moral et institutionnel. Ici, l'enjeu scénaristique est campé lorsque nous assistons à la cassation d'un jugement pour faux témoignage.
Peuplement d'images en cours...
THIEF OF HEART (suite) :
Thief of heart est l'unique occasion où The Inside nous convie dans une salle de tribunal, devant un juge dans l'exercice de ses fonctions. — Au fond de la salle se tiennent Rebecca et Web. Celui-ci paraît plus que dépité de voir l'homme qu'il avait arrêté pour des crimes barbares sur le point d'être libéré. Il est certain de la culpabilité de l'homme, un nommé Billy Ray Pope, individu à l'état social non-mentionné.
Le criminel est remis en liberté et éventuellement en position de reprendre une carrière criminelle.
Coup de théâtre, coup dur, coup de semonce
Lors du coup de théâtre, au moment de la rétractation d'un des témoins, Web est certes atterré mais il semble aussi mal à l'aise. Il se frotte le nez, ce qui, comme nous le savons, s'interprète volontiers comme un sentiment de porte-à-faux, de gêne, voire un signe de duplicité. Sur le moment, la gêne de Web n'est pas certaine. La grâce de l'œuvre est ici respectée : les effets sont de préférence proposés en douceur. Web s'effleure le nez, il ne se le tripote pas avec insistance. Mais on aura bientôt confirmation d'une ruse de sa part qui s'avère une erreur et peut-être une faute.
Théâtre tragique, théâtre du dilemme
Ce "peut-être" constitue le dilemme de l'épisode, pierre d'achoppement à venir entre l'agent Paul Ryan et son supérieur. — Procès cassé, vice trouvé dans l'établissement d'une version qui, quoique mal établie n'en reste pas moins probable, plus que probable, certaine pour les agents du VCU ! Mais ce n'est pas seulement avec des certitudes qu'on gagne dans l'Institution par excellence, dans une court de justice. — Et c'est ici que Paul Ryan entre dans le jeu, ou plutôt revient sur le devant de la scène et de l'investigation.
Paul Ryan
Alors qu'il officiait encore comme officier au San Diego Police Departement, Paul avait été le premier sur l'enquête concernant une série de meurtres avec extraction post mortem du cœur de la victime. C'est à cette occasion, sur une scène de crime, que Paul et Web se rencontrent.
Cooptation de Paul Ryan par Virgil Webster en présence de Margaret Alvarez
Cette séquence se situe plusieurs mois ou quelques années avant le présent diégétique. Elle figure dans un flashback. Nous y voyons vivante Margaret Alvarez (celle-là même à qui Rebecca a succédé, suite à son faux-meurtre et vrai suicide). L'agent spécial Alvarez est dans une relation complice avec Web, dans une proximité de vieux briscards. Paul est un jeune policier ardent mais relativement subalterne dans la hiérarchie institutionnelle. L'enquête est confiée au FBI-VCU. Paul est dessaisi, mais on n'en reste pas là. L'unité dirigée par Web récupère un cas criminel digne de ses compétences et bientôt un nouvel agent dont le caractère a toute sa place en son sein.
Chevalerie moderne
Web perçoit en effet que Paul serait un élément utile dans l'équilibre et l'alchimie de son unité. Il demande l'affectation du jeune policier sous ses ordres et l'obtient. Dans un second flashback on voit Web qui adoube Paul. Ce dernier vient de déterrer au sens propre une pièce à conviction déterminante pour confondre le suspect. « Welcome to the team, son » À cette phrase par laquelle Web salue Paul fera écho celle qu'il adressera plus tard à Rebecca lorsque celle-ci aura à son tour intégré l'unité spéciale et payé de sa personne : « That's my girl ! ». Ces formules sacramentelles (et singulièrement celle adressée à Paul), sous une forme familière, sont fidèles à l'esprit de la Table ronde.
Subornation
Paul va rencontrer le témoin qui s'est dédié. Il s'agit d'une voisine. Paul lui fait écouter une bande avec diverses voix. Or, la dame reconnaît bien la voix de celui qui l'a subornée (cela c'est passé au téléphone). Elle reconnaît la voix de... Web ! Paul, furax, comprend que le cœur humain déterré dans les plates-bandes du criminel a été placé là par Web et que celui-ci a payé une voisine pour déclarer qu'elle avait vu Pope bêcher la terre.
Le piégeur piégé
Crise entre Paul et Web. Par ailleurs, Paul est interdit d'enquête (celle-ci continue pour le procès en appel). Il est tenu à l'écart par la police des polices (ayant participé à la première enquête, son impartialité est compromise). — Comprenant que le mari d'une victime est sur le point de passer à la vengeance vu l'impunité dont bénéficie le meurtrier de son épouse, Paul, qui est malgré tout revenu sur le terrain, laisse faire...
Paul aussi perd le nord
Il est à bout et espère qu'une vengeance sauvage en finira avec Billy Ray Pope qui les nargue. L'agent mis à pied laisse le veuf faire irruption chez
Pope. Mais Rebecca qui a compris ne l'entend pas ainsi. Pour elle, ce n'est pas cela la Justice. Paul se ravise. Au nom de la Loi, ils neutralisent le veuf qui a eu le temps de tuer l'amante du criminel, celle-ci étant aussi son avocate tombée amoureuse de son client. Ce dernier hurle à la mort. La police des polices arrive sur les lieux. Paul va en prendre pour son grade ou ce qu'il en reste. Mais Web assume la responsabilité des événements. Il couvre Paul et va subir une sanction. Il est mis en congés et remet les clés de son bureau au chef de la police des polices. — Ce canevas compliqué est complété par un mélodrame concernant la vie privé de Paul. Sa femme, perturbée par la perturbation de son mari, a un accident et fait une fausse couche. Cet accident est important et alimentera l'épisode Aidan. Dans l'immédiat, ce drame désespère Paul puis décuple sa fureur.
Paul à découvert
Cet élément (la perte d'un enfant à naître) conduira The Inside à intégrer encore la vie intime de Paul Ryan aux enjeux de l'enquête. Jusqu'alors, la série avait uniquement relié les enquêtes et la vie privée des agents par le caractère et la biographie de Rebecca, l'intime des autres équipiers n'étant pas impliqué. Ils étaient parfois réduits au statut de force auxiliaire. Souvent nous les considérions considérer, sidérés, l'engagement psychique, existentiel et parfois physique de leur jeune collègue. Dans Thief of heart, le passé de la jeune femme n'est évoqué qu'une fois, et de manière un peu plaquée. Ses intuitions manquent de prise sur le dispositif en jeu.
Rebecca Locke et l'état de droit
Si la question Rebecca (son passé, son présent, son devenir) reste en retrait, sa personnalité intervient et contribue comme toujours à la coloration du film. Quant au plan thématique, Rebecca y intervient, à la fin, de manière magistrale. Elle reste LA SEULE, dans une équipe mise à l'épreuve et parfois égarée, à défendre contre vents et marées une conception intègre et pleinement civilisée de LA JUSTICE.
Une future maman sortant d'un club de yoga prénatal est retrouvée éventrée. Le criminel a remplacé le fœtus par une poupée.
AIDAN (suite) :
Quoi de plus réconfortant qu'une séance de yoga prénatal ?
Rien. Sauf quand une (no) future mère, sereine et détendue, se fait agresser, poignarder, éventrer, arracher son fœtus.
Quoi de plus attendrissant qu'un nouveau-né ?
Rien. Sauf quand cette entité mignonne, quintessence de vie que sa mère (?) chérit se révèle être un petit cadavre en état de décomposition.
Le contexte Paul Ryan et l'intrigue
Dans cet épisode avec accidents de maternité, Paul est dans l'après-coup de la fausse couche de Karen, son épouse. Aidan clôt la série de trois épisodes non-suivis (initiée avec Everything nice et poursuivie dans Thief of heart) où la perspective de la naissance d'un enfant subit l'épreuve d'un avortement accidentel. Cet élément relie la vie privée de Paul à la problématique des enquêtes selon la logique de prédilection de la série : l'instabilité des positions. — Ce qui se joue à nouveau dans cet épisode c'est l'incertitude - entre extériorité professionnelle et intériorité affective, - entre culpabilité pure et simple et déterminismes complexes, - entre l'espace de l'innocence et une zone plus trouble. Le point de vue de Paul sur le crime passera au cours de cet épisode d'une position strictement accusatrice à une prise en compte plus profonde des choses, changement de perspective parallèle à l'évolution de son propre engagement. — Paul s'est saisi de l'enquête sur le meurtre à la sortie du yoga prénatal. Il a interrogé sans ménagement un premier suspect. Questionnant à leur tour les femmes inscrites aux séances prénatales, il a découvert que l'une d'elles, Betty Scarwid, venait d'accoucher. En recevant l'agent du FBI elle ne cessait de materner son nouveau-né. Mais en étudiant les registres d'hospitalisation, Carter découvre que Mme Scarwid a fait une fausse couche (miscarriage). Il n'y a avait pas de bébé (pas de bébé vivant !) dans le berceau autour duquel la femme s'affairait tendrement lors de la visité de Paul. Mme Scarwid est ensuite introuvable, mais Web suppose qu'elle agit dans un état second, qu'elle n'est même pas en fuite, qu'elle va réapparaître.
Fuite en avant
Or, une future maman qu'elle rencontre dans un parc où elle se promène avec son supposé nouveau-né l'accompagne dans un vestiaire public. Là, la personne rencontrée découvre la réalité du fœtus mort, arraché par Mme Scarwid au corps de son ancienne camarade de séance. Cette femme est alors assommée, éventrée, elle subit une césarienne sauvage. Mais elle survit. — Aux yeux de Web et de son staff, la responsable (?) de l'agression ne peut être que Betty Scarwid. Celle-ci reste introuvable. — Alors qu'il rentre d'Afghanistan, l'amoureux de Betty, marine de son état, est accueilli par sa compagne à l'aéroport. Sachant fort bien que leur enfant a été perdu, il est stupéfait de la voir qui porte un bébé dans les bras et de l'entendre nommer ce nourrisson du prénom qu'aurait dû porter leur fils. Choquée par l'incrédulité de son compagnon, elle le poignarde. — Elle ne tardera pas à être retrouvée. Elle n'a plus avec elle le bébé arraché au corps de la femme rencontrée. Celui-ci est peut-être caché quelque part, encore vivant.
SALVATION
C'est alors que Rebecca convainc Paul de changer son fusil d'épaule et de parler — ce qui s'appelle parler — avec la malheureuse. Lui seul peut la faire (ré)fléchir s'il accepte de changer de disposition, s'il sort de son agressivité auto-protectrice. Cela fonctionne. Le bébé est retrouvé et rendu à ses parents.
Êvolutions et circularités
Au cours du premier interrogatoire, Paul est menaçant envers un homme manifestement innocent. Auparavant, il s'était fait berner par la conduite hallucinée de Mme Scarwid. Il la traque ensuite avec une hargne vengeresse. Puis, convaincu par Rebecca, il se résout à parler avec la criminelle comme un homme à bout de nerfs qui considère avec sincérité ses propres problèmes. C'est cet accent de vérité, ces mots auxquels elle ne s'attendait pas mais qu'elle espérait peut-être, qui la rendent à la raison. — Rebecca a eu peur pour Paul, et peut-être aussi pour l'enquête que Paul abordait de manière trop passionnelle. Elle fit part à Web de ses appréhensions. "Sir, I think you need to take Paul off this case. It's too personnal for him." Web, devant cette stance protectrice, signale à Rebecca que c'est habituellement sur ce registre que Paul s'adresse à lui à propos d'elle. "That's his usual line to me
regarding you." La roue tourne. Rebecca agit à la Paul Ryan. — Mais à la fin de l'épisode, alors qu'il s'agit de franchir un cap crucial qui permettra peut-être de sauver la vie d'un nouveau-né, ELLE CHANGE DE POSITION. C'est l'argument habituel de Web que Rebecca prend à son compte. Ce n'est pas en se mettant à l'abri mais en affrontant ses propres traumas qu'on les transcende. Rebecca raisonne à la Virgil Webster. Elle interprète devant Paul la manière dont elle conçoit la violence de celui-ci (violence intérieure et violence de mots). Selon elle, il s'agit d'une façon de se cacher à lui-même qu'il patine dans ses problèmes de couple. Le traumatisme a éloigné Karen et Paul. Paul refuse de s'expliquer à lui-même qu'il est bloqué dans un état de blessure. Rebecca le pousse devant le danger, elle l'invite à aller au devant de cette autre femme qui a vécu un malheur similaire à celui qu'a subit Karen. Paul s'y résout. Il va agir à la Rebecca Locke. — Toute proportion gardée, une catharsis va s'opérer en Paul comme en Betty Scarwid.
Dialectique, quand tu nous tient
"C'est par ceux qui sont sans espoir que l'espoir nous est rendu." La formule marxiste et dialectique de Walter Benjamin peut éclairer un tel moment. La crise de Paul vécue avec sincérité restitue quelque chose chose à Betty Scarwid. C'est au contact de l'horreur vécue et commise par celle-ci que Paul peut ressaisir quelque chose de lui-même.
Pères, étrangers et frères
Dans cet épisode, la maternité en tant que lieu du crime atroce et de la violence subie se mire dans la paternité blessée puis restituante, disposition non-vengeresse, adoucie dans l'outrage subi. C'est, physiquement, au père à la femme duquel le bébé fut au sens propre arraché, que Paul restitue le rejeton en bon état apparent. Manière d'affirmer la fragilité du masculin et de mettre en image le rôle maternant des pères.
C'est la nuit, le jour se lève
Aidan s'est ouvert sur une confrontation glaciale entre Paul et Karen. En milieu d'épisode, Rebecca s'est rendue chez les Ryan pour rencontrer Karen. Elle agissait ainsi à la façon de Paul Ryan (qui mainte fois a enquêté sur Rebecca non par voyeurisme mais par souci). Elle voyait que quelque chose ne tournait pas rond chez son collègue. Elle voulait mesurer jusqu'à quel point le couple était éprouvé. Après cette visite, Rebecca suggère à Web d'écarter Paul d'une enquête trop éprouvante. Mais les choses TOURNENT différemment et Paul va jusqu'au bout de l'enquête. Il adopte en chemin UN NOUVEAU POINT DE VUE. Ce remue-ménage (au sens figuré et au sens propre) va permettre à son couple de franchir la mauvaise passe. La nuit après la résolution de l'enquête, Paul et Karen se retrouvent pour démonter la chambre de leur enfant non-né, une chose que, jusqu'à présent, ils n'avaient pas osé faire.
Dans les locaux déserts du VCU, Rebecca s'est attardée tard dans la nuit. Noyée dans ses réflexions, elle consulte des photos reliées à une affaire en cours. Une famille, une voiture endommagée. Mais la fatigue lui joue des tours... et elle commence à voir trouble. Est-elle bien seule à l'étage ? Du bruit lui parvient du bureau de Web. Lorsqu'elle ouvre la porte, installé au bureau du supérieur hiérarchique, elle découvre un homme étrange avec lequel elle semble avoir une étrange familiarité. Il prétend être entré par la fenêtre. — Quand elle lui donne la consigne de rester discret, il... éteint Los Angeles. — Il peut aider Rebecca dans sa recherche mais a besoin de données supplémentaires. Comme on manipule des cartes lors d'une réussite, elle retourne alors sur le bureau des photos donnant un aperçu du cas sur lequel elle travaille, affaire concernant deux familles disparues. L'intrus familier met cela de côté et replonge Rebecca dans l'enlèvement dont elle a été victime dans son enfance. Il fut son ravisseur et il lui demande de répondre à une question : — Qu'est-ce que je t'ai fait pendant ces 18 mois ? Elle quitte alors la pièce en répliquant : — Je n'ai pas besoin de l'aide d'un homme mort !
Peuplement d'images en cours...
LITTLE GIRL LOST (suite) :
À part le prologue, Lost little girl se passe entièrement au grand jour, mieux, en pleine nature (fait unique dans la série). — Les traces des deux familles disparues ont été localisées au nord de Los Angeles, autour de la route de montagne n° 39. Web, Paul et Danny sont déjà sur place. Melody, quasiment absente de cet épisode, officie à distance. Rebecca va rejoindre ses trois collègues masculins. "Mettez des chaussures adaptées." Web la prévient, c'est une opération dans la campagne qui s'annonce. — Rebecca a beau ingérer force café, elle conduit dangereusement, distraite par des visions et menacée par l'endormissement. — Cette aventure en plein jour sera aussi, comme le prologue, celle du rêve éveillé.
Sous le signe du soupçon
L'ex-ravisseur de Rebecca avait mis fin à leur "briefing" nocturne par un éclairage susceptible d'éviter bien des errements. "Pourquoi étais-tu venue avec moi ? Pourquoi m'avais-tu suivi ?" Il avait réussi son mauvais coup en inspirant CONFIANCE à la petite fille. Cette explication met Rebecca sur une piste concernant le cas actuel. Qui, mieux qu'un... policier peut inspirer confiance à une famille égarée sur une route de montagne ? L'agent Locke, forte de cette intuition, arrive au poste de police rural où le VCU a pris ses quartiers. Une tapisserie de suspects est présentée, des vagabonds, un ermite, un gardien de camping fiché comme agresseur sexuel... Bref, une brochette d'outsiders, suspects idéaux selon l'imaginaire. Rebecca effectue quelques rapprochements entre divers documents. Ses suspicions sont confirmées. La vigilance du vrai suspect étant distraite par la parade des marginaux, Danny, sous le prétexte d'un jeu, l'invite à lui passer son arme de service. Le flic suspecté est ainsi neutralisé en douceur. Cet homme appartient à l'équipe locale qui enquête sur le cas. Exemple désormais habituel des ces employés des services de protection qui se révèlent les auteurs de l'agression sur laquelle la police enquête. Dans ce cas, le suspect (et vrai coupable) appartient à l'institution mobilisée pour l'arrêter. Il comptait sur sa couverture comme alibi parfait. Il avait joué de sa position comme instrument dans la commission du crime.
Accident
Niant le meurtre de la première famille, le flic-ravisseur accepte de conduire les enquêteurs sur le lieu de séquestration de la seconde famille. Pour atteindre cette zone escarpée, deux hélicoptères sont affrétés. La tension monte dans celui où ont pris place Danny, aux commandes, le criminel et Rebecca. Finalement, le pilote perd le contrôle et l'appareil s'écrase dans la forêt.
Danny blessé, Rebecca otage
Dans l'accident, le criminel est resté lucide. S'emparant d'une arme, il neutralise Rebecca. Il entend l'utiliser comme otage dans une fuite au Mexique. — Danny, inconscient, est hors-jeu pour la suite des événements.
Avec l'aide d'un homme mort
Rebecca est sur le point de s'écrouler à chaque pas. — Et c'est le fantôme de son ex-ravisseur qui va l'aider à manœuvrer au mieux dans cette mauvaise passe. Il a fini de savourer son cornet glacé et semble en forme. Le NOUVEAU ravisseur de la jeune femme a été blessé dans l'accident. Elle va peut-être pouvoir lui donner le change. La marche se prolonge parmi les chênes.
Une petite fille au secours d'une grande
Rebecca a réussi à se jouer du policier-criminel. Elle s'est saisie de l'arme. mais l'ennemi la suit de loin. Sous le couvert des arbres, il attend qu'elle s'effondre, terrassée par sa fatigue irrépressible. — C'est alors qu'apparaît une petite fille. Il s'agit de l'enfant kidnappée qui a réussi à se faufiler hors de la trappe où elle était retenue prisonnière avec ses parents. Elle ne sait si elle doit se fier à Rebecca. Là encore, l'homme mort va être de bon conseil. Il va aider Rebecca à gagner la confiance de la petite fille. Finalement, ensemble, elles réussiront à dominer leur adversaire. Rebecca, trop faible même pour viser, aidée par la petite fille, dirige l'arme sur l'homme qui s'emparait d'une branche afin de les frapper. Elle l'abat.
Rebecca voit double, Rebecca et ses doubles
Quand tout est calmé, Rebecca se rend au chevet de Danny, à l'hôpital. Elle est rejointe par la famille rescapée qui veut lui rendre hommage. Mais il lui semble qu'elle est de nouveau prise d'hallucinations. Elle ne reconnaît pas la petite fille de la famille... Ce n'est pas avec elle qu'elle a accompli le périple dans la forêt. Nous comprenons alors que, dans la forêt, c'est aux projections de son esprit qu'elle a dû ces secours si efficaces. La petite fille qui l'accompagnait... c'était elle-même.
LITTLE GIRL LOST (fin).
THE PERFECT COUPLEvv . . | épisode n° 11 | Réal. : Vern GILLUM Script : Ben EDLUND
Voici Rebecca telle que nous n'avons pas l'habitude de la voir. Maquillée de manière aguichante, dans sa robe la plus sexy, elle s'installe au comptoir du Pyramid Club, Hollywood. L'ambiance y est, à cette heure, exubérante et désinhibée.
Un barman intéressant
Après avoir repoussé les avances de plusieurs consommateurs, elle entame une conversation avec le barman, un jeune homme avenant et fin psychologue. Celui-ci établit sur le champ un "profil" de Rebecca particulièrement pertinent que celle-ci juge... "IMPRESSIVE !" Selon lui, elle cherche quelque chose mais elle ne saura pas exactement de quoi il s'agit avant de l'avoir trouvé. De manière abrupte et soudaine, les deux jeunes gens se retrouvent derrière la boîte de nuit, dans l'ardeur torride et chavirante d'un flirt poussé. — Surprise dans la surprise, un projecteur irradie la scène et les collègues de Rebecca font irruption, exhibant leurs badges leurs armes sous le nez du jeune homme. Plus de doute, Rebecca était en investigation sous couverture dans l'établissement. Néanmoins, elle s'insurge devant cette intervention intempestive, n'ayant pas donné le signal convenu. Contrairement à son premier soupçon, le garçon ne correspond pas au profil recherché, celui d'un homme souffrant d'impuissance. Melody répond ironiquement aux reproches de Rebecca. Durant tout l'épisode, elle jouera, de manière amusée et par petites touches, à l'entremetteuse entre sa collègue et le jeune homme. En effet, elle reverront celui-ci plusieurs fois afin de le questionner sur la clientèle de The Pyramid. Ultérieurement, le garçon, Correy de son prénom, se verra, bien malgré lui, impliqué dans l'affaire de manière dramatique.
Rebecca dans l'erreur
Le lendemain, Rebecca se repent de son erreur. Une cliente de la boîte de nuit a été retrouvée assassinée d'une balle de gros calibre dans l'abdomen. Il s'agit de la troisième victime d'un tueur agissant selon le même mode opératoire. Il est plus que probable que c'est à The Pyramid que les victimes furent abordées par le prédateur. Au moment de leur mort, elles portaient toutes sur le poignet le tampon de l'établissement nocturne. La veille, le criminel se trouvait probablement là avec sa future victime au même moment que l'enquêtrice — Mais c'est sur la piste d'une femme, authentique ou fausse homosexuelle, que l'interrogatoire de LA petitE amiE de la dernière victime va placer l'enquête.
THE PERFECT COUPLE (suite) :
L'instance criminelle est ici bicéphale. Comme le titre le signale il s'agit d'un couple. ELLE rabat des femmes jeunes, belles et lesbiennes dans le piège conçu par et pour son compagnon. Droguées, ELLES sont violées par LUI. Elle le filme dans ses exploits (le crime se prolonge en mise en scène audiovisuelle). Dominée et subjuguée, elle est une pièce dans son jeu. Quand tout est fini, il les relâche et les lui confie. Mais au lieu de les perdre dans la nature elle les tue.
L'acteur (Matt Keeslar) dans le rôle d'un ex-acteur (Roddy Davis) de série pour enfants
Le violeur se nomme Roddy Davis, un nom connu. Il s'agit en effet d'une ancienne vedette de sitcom pour enfants. C'est ainsi que dans cet épisode se complète le jeu de reflets constitutif de la série. Le tueur est une ex-vedette de télévision.
Ex-enfant star pour enfants devenu sociopathe
Le bon personnage enfantin un peu pataud portait en lui (inside himself) un taré criminel. Une façon de jeter le trouble sur les apparences. L'image publique cache le contraire de ce qu'elle proclame. — The Inside ou l'école du soupçon.
De faux suspect à témoin, de témoin à vraie victime
Corey, le barman du Pyramid club est rapidement "déclassifié" si tant est qu'il fût sérieusement suspecté. Il deviendra (presque) l'ami de Rebecca et réaparaîtra dans les épisodes suivants. Dans The perfect couple, il passe de faux suspect à témoin-informateur puis à victime. Il va en effet être séquestré par le couple criminel. — Le retournement faux suspect-vraie victime, déjà présent dans Old wounds, ressurgit ici.
D'approche incomplète à identification certaine
Avant que les crimes soient effectivement attribués à un couple, c'est d'abord une femme homosexuelle qui est recherchée. Il ne faudra pas longtemps à Carter, sous les instructions de Rebecca et Web, pour isoler les deux criminels sur les bandes de vidéo-surveillance.
Un équivalent vidéo de l'histologie ?
L'histologie est l'étude des tissus biologiques, l'art de couper en lamelles afin de les étudier bulbes et glandes, muscles et matériaux divers issus des corps. Cette technique (fort ancienne au demeurant) fait partie intégrante de la médecine légale, laquelle, nous l'avons vu n'est pas très présente dans la série. Elle n'est du moins pas suivie de près dans ses prouesses dissectives et chimio-analytiques. Cependant l'histologie a une affinité traditionnelle avec l'imagerie. Elle recourt aux colorations, aux examens par transparence. La modélisation vidéo, l'analyse des flux et des images numériques pourrait être vue comme un analogue de l'histologie. Ce ne sont pas les organes et les cellules que cette technique sonde mais des immeubles, des zones urbaines avec leurs flux de véhicules, de passants et de voyageurs, des espaces publics clos mais densément peuplés, comme ici la salle du night-club. Il arrive que la modélisation du corps humain ait dans The Inside un rôle non-négligeable. Il s'agit par exemple de reconstituer un visage à différents âges, comme dans Gem. Quoi qu'il en soit, la comparaison avec l'histologie ne vaut ici que comme piste, moins comme une réponse que comme une question.
The Inside, une série technologique ?
Dans The Inside, les réalités considérées de près et sous des angles multiples sont les méandres psycho-moraux, les délires libidinaux, les paradoxes des status sociaux, la bi-facialité, les labyrinthes existentiels, les proximités insoupçonnées, la vacuité des croyances majoritaires, la détermination difficile d'un cap éthique et le maintien sans naïveté d'une vision honnête. Ces enjeux sont peu technologiques (de faible coefficient chimique ou électronique). La conviction (s'il en est une et une seulement), que semble promouvoir The inside est que certaines faillites et les vrais défis du monde contemporain sont d'un ordre traditionnel quoiqu'exacerbé dans l'époque actuelle. L'ennemi caché, ce que révèlent les physionomies de CES tueurs en série, c'est le mensonge des apparences. Les couches superficielles de la famille ordinaire, du bon voisinage, de la télé bien pensante, des institutions d'aide sociale... tout cela cache une réalité profonde aux antipodes de l'image lisse et lénifiante dont ces institutions se parent.
Le couple infernal
Dès qu'ils sont repérés, l'ex-acteur et la téléspectatrice amoureuse de son idole d'enfance partent dans une fuite en avant. Habituée du Pyramid, la tueuse connaît Corey. Il va être enlevé. Le jeune homme est sur le point d'être sexuellement violenté par elle, sous le regard fasciné et lubrique d'un Roddie Davis qui a trouvé là une nouvelle excitation. Perdant le peu de rationalité qui lui restait, il se précipite dans une continuation inversée des scénarios précédents. Il va faire de sa compagne une violeuse. C'est dans l'appartement de Corey que la scène se passe. C'est là que les ravisseurs et leur nouvelle victime sont cernés par le VCU. Web va jouer gros. Il se constitue prisonnier dans l'intention de négocier avec les deux timbrés et/ou de les déstabiliser davantage qu'ils ne le sont déjà. S'appuyant sur les failles existantes entre les deux criminels, il parvient à jouer l'un contre l'autre. Il ne lui est pas difficile de semer la zizanie dans la seule configuration criminelle irrationnelle à tous niveaux que la série nous présente — La psychopathie de tous les autres criminels de la série cohabite avec un haut talent stratégique. Il sont roués, retors, leurs pulsions ne les égarent pas dans le jeu de poursuite, à moins qu'ils ne se dirigent sciemment vers un suicide raisonné. — Lui, sans scrupule la charge. C'est elle la meurtrière. Affectivement trahie, elle l'abat. Web la maîtrise, elle est arrêtée.
Pas de pitié pour les gentils garçons
Corey est sain et sauf, choqué. Rebecca essaie de le réconforter mais le jeune homme habituellement souriant est tétanisé.
Le corps du criminel
Roddie Davis est, comme les autres meurtriers de la série, étudié avec précision dans son dessin, sa physionomie, son volume, dans le devenir même de sa dimension corporelle. Ancien gamin obèse et vedette télévisuelle, il s'est soumis à un rigoureux régime aidé en cela par son ancienne fan. Elle l'a aidé à devenir cet homme athlétique quoiqu'encore un peu gras, d'une blondeur crémeuse de WASP.
Dérapages
Le couple parfait ne possède pas cette maîtrise opérationnelle parallèle au délire de destruction que possèdent la majorité des criminels de la série. Pas de rapport expert à la technologie, pas de stratégie retorse. Leur parcours criminel dérape d'emblée. Il n'avait pas prévu qu'elle en finissait avec les victimes des ses viols en leur tirant dessus. — Dans la seconde partie, Roddie Davis subit une montée de fièvre qui conduit les fugitifs au chaos.
Rebecca de bonne foi ?
La problématique biographique de Rebecca est traitée ici de manière enjouée et humoristique. Elle est, comme on le sait, obsédée par son travail. Elle se permet peu voire pas de loisirs amicaux ou érotiques. Le flirt poussé entre elle et Corey est parfaitement ambigu. Rebecca se défend de toute confusion en l'espèce. Mais Paul, puis Melody s'attardent sur l'hypothèse que leur collègue ne se porterait pas plus mal si elle faisait plus ample connaissance avec le jeune homme. Web lui-même s'y met en nommant ce témoin "Rebecca's bartender". Rebecca offusquée, exaspérée mais peut-être un peu amusée ne sait que répliquer : "Ce n'est PAS MON barman !"
THE PERFECT COUPLE (fin).
GEMvv . . . . . . . . . . . . . . . . . | épisode n° 12 | Réal. : Kevin HOOKS Script : Bob HAME David FURY Jane ESPENSON
Suite à une erreur d'emballage, une vidéo d'horreur particulièrement choquante est visionnée par une innocente famille lors d'une fête enfantine. Le Violent Crime Unit cherche a savoir s'il s'agit d'une fiction ou d'une vraie scène d'égorgement suivi d'un démembrement à la tronçonneuse. Les soupçons s'aiguisent lorsque la victime montrée à l'écran apparaît correspondre à une jeune fille portée disparue quelque temps auparavant, Angelica Sandoval, 18 ans. Paul et Rebecca rendent visite au domicile de la disparue qui est aussi celui d'un homme d'affaire qui n'est pas son père mais l'employeur de sa mère, gouvernante chez lui. Pendant ce temps, à la société d'édition vidéo où l'erreur de conditionnement a été commise, Mel et Dany apprennent le nom d'un producteur de petits films gore qui pourrait être impliqué dans la réalisation du spécimen incriminé. Rendus chez ce dernier, ils découvrent que sa porte a été forcée. Un relent pestilentiel émane de la demeure..., l'odeur d'un cadavre mangé par les vers. Un tatouage sur le dos du mort l'identifie comme le tueur (vrai ou faux) de la vidéo.
GEM (suite) :
Dans cet épisode, l'intérêt particulier que les autres enquêteurs portent à Rebecca se manifeste brièvement alors que Paul et Melody inspectent le domicile au cadavre en putréfaction. Ils se disent que leur collègue sait quand il vaut mieux travailler dans les bureaux que sur la scène du crime. Paul postule néanmoins que, malgré la puanteur, elle préférerait sans doute être là. Melody enchaîne et plaisante en évoquant Rebecca se mettant en transe pour, en communication directe avec les victimes, résoudre sur le champ le mystère. — Pendant ce temps, l'agent Rebecca Locke tente d'analyser la vidéo de fiction (fiction ?) où apparaît la disparue recherchée par le Violent Crime Unit. Illustrant la méthode empathique évoquée par Melody (attitude identificatoire, intuitive, visionnaire), elle se prend à interroger à voix basse l'image de la jeune fille :
"Que t'est-il arrivé ?"
Contre toute attente la vidéo lui réplique :
"Qu'ont-il fait de toi ?"
Méditations dilatées sur huit secondes de film
La transgression du statut de l'image (de son inertie) est un classique (Mes références personnelles me rappellent le Christ sur la croix et Don Camillo discutant familièrement, ou encore, côté BD, le chevalier de Hadoque se penchant hors du tableau où il figurait sagement depuis trois siècles pour interpeller le capitaine, son descendant. De tels exemples pourraient se compter par milliers dans le grand corpus des fictions sépculatives qu'elles soient humoristiques et/ou fantastiques). — Dans cette scène, le titre de la série The Inside voit une fois de plus son seul radical "side" demeurer stable alors qu' autour de lui les préfixes "in" et "out" jouent à cache-cache. Cette projection de l'imaginaire de l'enquêtrice (pour employer un langage "positiviste" qui se défie du surnaturel), cet effet d'un instant et presque subliminal, entre en résonance avec l'intérêt particulier (l'obsession) de la série pour les inversions et autres effets de symétrie concernant le statut des agents (dans les sens abstrait-général et professionnel du terme). Dans cette série qui déteste la sécurité des rôles sociaux établis une fois pour toutes, les sauveteurs et les naufragés ne sauraient être inscrits une fois pour toutes dans leur rôle prédéfinis, le régime du soin et de l'attention doit subir des glissements et des retournements impromptus. Le saut de l'image de la victime d'un univers à un autre, son jaillissement centrifuge hors de sa surface assignée est aussi une aspiration pneumatique, une façon centripète (du point de vue de la victime) de happer Rebecca en lui interdisant le confort intellectuel d'une investigatrice qui surplomberait la question en s'arrogeant le monopole des questions et qui dominerait son sujet dans une posture autoritaire de fonctionnaire d'élite. La quasi-synonymie de la question et de la réponse, la dignité accordée ou idéalement saisie par la victime dans la vivacité dont elle fait preuve en entrant dans le dialogue mais surtout en transgressant la grammaire de celui-ci..., cette réponse impossible qui ajoute à son paradoxe en se faisant question..., ce micro-séisme déplace l'inertie des postures tout en se jouant de la géographie temporelle de Rebecca, celle-ci se voyant ramenée des années en arrière. Ce faux-pas de l'imaginaire (pour rester "positiviste"), ce carambolage suggéré donne à cette sortie des ornières qui n'est pas un déraillement une couleur de transfiguration. Il nous accorde la grâce d'une lucidité face aux conformités contractuelles qui abusent de leurs prérogatives.
Du script au montage
Le script faisait dire à Rebecca tout le texte de ces huit secondes sur lesquelles je me suis attardé. Le script se lit ainsi :
REBECCA (CONT’D)
What happened to you? What did
they do to you? It didn’t happen
all at once...
Placer la seconde partie de la réplique dans la bouche de la disparue en décollant son image du flux vidéo, en lui octroyant une vie plus forte que l'inertie d'un enregistrement, répartir ces quinze mots d'un monologue dans un dialogue, cela semble s'être décidé sous une inspiration plus brûlante que celle qui avait présidé au scénario écrit.
L'intrigue innommable
Le synopsis criminel de cet épisode, le plus glauque de la série (le plus glauque bien que la principale victime ait survécu), est le suivant : La petite Angelica avait été abusée et exploitée dès son enfance dans des films pornographiques pédophiles, snuff films et occasionnellement de simples films gore (comme celui qui a déclenché l'enquête). C'est son père qui l'avait livrée aux exploiteurs de ce filon. Devant les soupçons qui pesaient sur le demi-frère d'Angelica, Jason, le père était près à sacrifier le garçon et à le laisser condamner à sa place. Il avait en outre abusé de lui dans son enfance (Il avait peut-être aussi soumis d'autres enfants à ses pulsions). Jason avait finalement soustrait sa demie-sœur à l'industrie pédophile. Il la tenait séquestrée quelque part. Il avait tué le producteur qui exploitait en viols répétés devant caméra la jeune Angelica, sous le nom d'actrice de Little Gem.
Parois infranchissables qu'on traverse, parois avec portes qu'on ne sait comment franchir
Le devenir de Rebecca (présent et futur proche), sa vie privée, figurent dans cet épisode comme thème du prologue et de l'épilogue. En ouverture, elle a écouté les avances de Corey mais, réservant sa réponse, l'a laissé en suspens. — Quant le cas est résolu, quand la jeune victime est physiquement libérée, Rebecca et Web devisent dans les couloirs. Ils s'interrogent sur les chances qu'a Angelica de retrouver un équilibre affectif. Ils se demandent si elle pourra éviter de relayer dans un enfermement psychique l'enfermement physique et l'abus sexuel systématique qu'elle a subi. Les remarques pessimistes de Web incite celui-ci à à se défendre de faire allusion à Rebecca elle-même (il est ainsi fidèle à son comportement habituel envers sa subordonnée : mélange d'égards, de tact et de mise à l'épreuve). En rentrant chez elle, Rebecca aperçoit Corey, disponible, accoudé à un comptoir de bar. Comme retenue derrière les reflets du vitrage, elle hésite mais finalement poursuit sa route, donnant encore raison à Web quant à la difficulté des "survivantes" à rejoindre pleinement le peuple des épargnés.
GEM (fin).
SKIN AND BONESvv . . . . . . | épisode n° 13 | Réal. : Dwight LITTLE Script : Tim MINEAR Jane ESPENSON
Ce lundi matin, l'agent spécial Rebecca Locke est en retard au briefing hebdomadaire du Violent Crime Unit. Quand il apparaît que son absence est anormale et inquiétante, ses partenaires se rendent à son domicile. Là, ils découvrent que depuis son installation à Los-Angeles, leur collègue n'a pas dépaqueté la plupart de ses affaires toujours dans les cartons. Cela les surprend sans les surprendre. Dany constate que l'automobile de Rebecca n'occupe pas sa place de parking. Elle s'est absentée volontairement, semble-t-il. En explorant l'ordinateur de Rebecca, ils vont découvrir que celle-ci participait à des échanges de messagerie instantanée ayant pour fil conducteur et lien entre les participantes (toutes des femmes) une commune névrose anorexique ainsi que d'autres tendances auto-punitives.
Double jeu et court-circuit
Rebecca joue manifestement un rôle. Mais elle mêle aux propos de son personnage prétendu (undercover ?) certaines remarques informelles pouvant s'appliquer à ses collègues de travail. Ceux-ci peuvent ainsi capter certaines choses quant à la façon dont Rebecca les considère. — Cet échange en réseau avec l'anorexie comme trait commun ne tarde pas à être mis en rapport avec la disparition de douze jeunes femmes. Rebecca explorait une piste qu'elle s'apprêtait sans doute à soumettre à ses collègues. — Interrompant le fil de l'action concernant l'activité des membres du VCU, des images de romance au statut incertain surgissent, montrant une Rebecca inédite en compagnie d'un sympathique et charmant jeune homme déjà rencontré lors d'épisodes précédents.
Narration multiplex
Ces images pourraient justifier l'absence de Rebecca, d'une manière surprenante il est vrai et quelque peu transgressive par rapport au personnage d'agent modèle et même monomaniaque qu'elle incarnait jusque-là. Mais un soupçon se renforce. Ces scènes de romance sont de plus en plus teintées d'angoisse. — Elles proviennent certainement d'un domaine onirique, celui d'une Rebecca cherchant à FUIR la situation qui est désormais la sienne : celle d'une captive droguée par un ravisseur monstrueux au physique aussi bien qu'au mental.
SKIN AND BONES (suite) :
Après la disparition de Rebecca, ses collègues ont découvert qu'elle participait à un échange sur internet entre anorexiques. Copie est faite des fichiers de son ordinateur et, sur l'ordre de Web, l'équipe est rassemblée en salle de réunion pour une lecture où chaque membre va tenir le rôle d'une participante. — Cette scène traduit à merveille une marque de fabrique de la série : le télescopage entre l'intérêt porté à l'énigme-Rebecca, les efforts pour élucider les menées criminelles et, éventuellement, se porter au secours d'une victime d'enlèvement. Aujourd'hui, la personne à libérer n'est autre que Rebecca elle-même. — Elle est séquestrée, entravée ou retenue sous la menace dans la moitié des épisodes, mais Skin and bones est le seul cas où sa disparition et sa séquestration constituent la totalité du problème à résoudre.
Le petit théâtre dans le film
Lors de cette lecture sous forme de saynète théâtrale, c'est à une investigation particulièrement dense, multiple, véritable concentré de sujets non-disparates mais de statuts différents que vont se livrer les enquêteurs réunis autour de la table. Certains pelures de l'oignon considéré ont une texture légère d'autres une saveur plus amère pour ne pas dire un goût de sang. — Rebecca va livrer en son absence quelques indices sur son mystère, car, comme toujours, son personnage undercover contient des traits de sa personnalité réelle. Un aspect du propos de la Rebecca mi-fictive — rôle tenu par Mel — éveille particulièrement les antennes des enquêteurs et leurs égos vulnérables. Ce sont les passages où l'agent Locke alias Becky93 évoque ses collègues de travail et où la fiction s'inspire naturellement de la réalité. Mel est saisie dans une situation en abyme : après avoir évoqué Paul dont Rebecca se sent moins éloignée que des autres..., Dany, moqué en Rambo aux vues un peu courtes..., voici Melody interprétant Rebecca dans le rôle de Becky93 se mettant à parler de Melody. Ainsi, de la manière dont elle se protège derrière ses plaisanteries incessantes. — Cette scène, due à Tim Minear et Jane Espenson, auteurs du script, prouve une nouvelle fois combien Jacques Rivette avait raison d'inviter le cinéma à considérer le théâtre comme un OBJET privilégié. Filmant le théâtre, ses métaphores et dérivés, le cinéma peut déployer ses plus grandes séductions. — Mais les scénaristes ne se sont pas arrêtés là.
Raffinement spéculaire
Les quelques minutes de cette scène aussi statique que subtilement vertigineuse contiennent une autre déclinaison de cette configuration en jeux de miroirs. La dramaturgie mettant en scène la dramaturgie, l'énonciateur se recevant lui-même dans le boomerang de son énonciation, cette construction en bouteille de Klein où extérieur et intérieur se rencontrent est encore mise en œuvre dans l'analyse textuelle des échanges que Web présente à son staff. Il est parvenu à la conclusion que les diverses interlocutrices de Becky93 sont fictives et produites par une seule personne, probablement le ravisseur de Rebecca qui s'est laissée prendre au piège. En effet, les styles d'écriture sont TROP différents les uns des autres. Chacune des pseudo-participantes a un tic d'expression graphique trop appuyé et trop exclusif pour être vrai. L'une utilise sans cesse des abréviations mais jamais de smileys (emoticons), l'autre bourre ses lignes de smileys mais ne se sert jamais d'abréviations. L'auteur de la supercherie est lui-même un auteur dramatique ! Pas un naïf absolu en la matière qui prêterait indifféremment sa propre voix à toutes ses créatures, un demi-habile qui en fait un peu trop et exagère la différentiation de chacun de ses personnages. Tout en faisant avancer l'enquête, ce passage est aussi la cerise sur le gâteau de la mise en abyme, un clin d'œil des scénaristes à leur propre corporation sous la forme d'une allusion à l'art de construire les personnages en prenant soin du langage particulier de chacun.
Le début c'est la fin
Je passe sur l'essentiel de la séquestration de Rebecca par un cannibale mangeur d'anorexiques (spécularité, inversion, spécularité). Rebecca s'est libérée seule. En quittant, comme on renaît, l'antre-entraille qui aurait dû l'engloutir, elle a la joie non exprimée de voir que ses équipiers étaient parvenus sur les lieux. Ils auraient pu la sauver si elle ne l'avait fait elle-même. — Dans la toute dernière scène, Rebecca reçoit chez elle la visite de Danny, Melody, Paul, Carter. Web apparaît en dernier. Il lui a apporté une petite plante. Tout un symbole. Il la salue d'un BIENVENUE À LOS ANGELES. C'est l'heure du vrai commencement. Et c'est là que la chaîne commanditaire (Fox) a décidé d'arrêter la série. On ne pouvait mieux faire pour cette belle entité narrative dans laquelle toute chose devait se mirer dans son contraire.
SKIN AND BONES (fin).
24 (thriller cyber-politique-film d'action, créé en 2001 par Joel Surnow et Robert Cochran, avec Howard Gordon producteur exécutif sur 24 et auteur de la suite 24 Redemption — Correspondance serrée entre temps de l'action et temps du film — Ressemblance thématique entre 24 et The Inside : l'ennemi réside en grande partie à l'intérieur — Dans 24, l'échelle des conflits est très vaste (terrain d'affrontement national et international) alors qu'elle reste à un niveau individuel dans The Inside (individu-s victime-s, individu-s criminel-s + groupe restreint de six enquêteurs de premier plan). Néanmoins, les deux ensembles partagent une vision du mal qui se démarque de tout simplisme trop rassurant. Pas plus dans 24 que dans The Inside, les coupables ne se résument à une monstruosité radicalement exogène. Le mal est transversal à l'humanité, il n'est pas assignable à une minorité de parias. Bien et mal ne se situent pas en opposition binaire de chaque côté d'une frontière étanche. D'où, dans la série de politique-fiction comme dans la série policière, un aspect authentiquement tragique, c'est à dire, en toute rigueur, problématique et relevant pour partie d'un affrontement entre proches. — Dans 24, la société est trahie par des apprentis-sorciers agissant à partir d'agences gouvernementales, la nation est menacée par des comploteurs cachés au cœur-même du système — Les terroristes combattus ont pour alliés objectifs certains dirigeants politiques, hauts-fonctionnaires et agents en retraite, soldats perdus de la cause "patriotique" (en d'autres termes : des usurpateurs fascisants) — C'est aussi auprès d'ingénieurs corrompus issus du complexe militaro-industriel que les terroristes trouvent un appui technique — Dissemblance par rapport à The Inside : si le maintien des droits constitutionnels figure comme un enjeu, de très nombreuses entorses à l'état de droit se voient légitimées au nom de l'urgence — Le super-héro de la série, Jack Bauer, véritable Hercule des temps modernes, est un agent hors du commun, efficace, plein d'abnégation, souvent brutalisé mais à son tour brutal)
Drive (un certain nombre de personnes sont contraintes de risquer leur vie dans un rallye automobile régi par des règles capricieuses — L'intérêt de cette création réside notamment dans la brochette de personnages ordinaires suscitant plusieurs petites comédies très riches et très réussies, le tout embarqué dans une course mortelle orchestrée par une instance à jamais mystérieuse — La série, crée par Tim Minear en 2007, fut annulée après 6 épisodes)
Terriers (polar réaliste, suit deux privés dans leurs aventures picaresques — créé par Tim Minear et Ted Griffin en 2010, arrêté après 13 épisodes)
Rachel Nichols. —
Après The Inside, cette actrice à l'expressivité sobre, bien à sa place dans des personnages sympathiques et efficaces mais souvent sévères et un peu rigides, a eu du mal à retrouver un rôle à la hauteur de ses qualités. La série Continuum lui a néanmoins permis de s'exprimer sans déchoir.
L'univers de Continuum est sans doute assez caricatural, souvent même enfantin dans ses présupposés. Toutefois, la facture de la série n'est pas dépourvue d'élégance et certaines situations mises en scène sont distrayantes voire un peu plus. En fait, l'ensemble comporte des richesses pouvant démentir l'impression de simplisme qui s'impose à première vue. Faire crédit à la série et laisser les épisodes se déployer peut déboucher sur une véritable expérience de spectateur. — Au premier stade de l'analyse, il s'agit d'une intrigue mêlant deux lieux communs : un affrontement entre l'État et une fraction terroriste-révolutionnaire ne reculant devant aucun expédient + un paradoxe temporel dû à la transportation quelques décénies avant l'époque de référence (2077) d'un groupe de terroristes et de l'héroïne (ceux-là bondissant à rebrousse-temps selon la double motivation d'échapper à leur exécution et de dérégler à leur avantage le cours du temps, celle-là de manière imprévue, non-désirée mais susceptible de contrecarrer le plan des anti-sociaux, ceux-là brutaux, dotés d'une expertise technologique et d'une stratégie retorse, celle-ci partageant avec eux la connivence de provenir du futur et un appareillage high-tech utilisé par elle discrètement mais aux pouvoirs intriguants pour la police de 2012). — La tarte à la crême de l'enjeu causal d'un passé réinvesti mettant l'avenir avéré en danger semble d'abord resservi sans grande originalité. — Tout spectateur situé au dessus d'un crétinisme apparent devra mobiliser les ressources d'un regard scindé pour apprécier Continuum. Si l'exercice ne crée pas un plaisir sans partage, il peut en résulter une expérience mélangée non dépourvue d'intérêt. Les éléments simplistes pourraient alors s'intégrer dans une recherche de stylisation, selon une esthétique relativement sophistiquée. Ainsi, certaines scènes se proposent volontiers comme des chorégraphies épurées. La série évoluerait alors comme une comédie musicale génétiquement modifée, comme une série B mais très soignée, voire de luxe, dans cette zone incertaine propres à ces créations de culture populaire plus subtiles qu'il n'y paraît. Au sein d'une mise en forme très maîtrisée, les représentations-gadgets, les typologies médiatiques, les types de personnages archi-rebattus sont de fait présentés dans un traitement imperceptiblement distancié permettant de les apprécier sans en être les dupes.
Continuum (suite) ou le défi de l'hybridation générique (genre bending). — L'histoire est celle d'une guerre dont les protagonistes principaux se limitent à quelques individus. Mais ce conflit restreint a des enjeux considérables car concentrés autour d'un paradoxe temporel. — Ce cadre narratif ouvre la voie à une fusion entre série policière et recyclage mythologique. Les motivations et les destinés des personnages principaux, leurs pouvoirs et leurs défaillances, reprennent des archétypes attestés au magasin des dieux, demi-dieux et autres démons des légendes polythéistes. Le surnaturel, qui autrefois allait de soi, trouve ici sa justification dans une fiction de nano-prothèses, de greffons sensoriels et de bases de données à la fois plus grandes que le monde et fort esthétiques dans leur interface graphique. La figure éculée du petit génie informatique, reproduite dans Continuum par le personnage d'Alec, se décadre, de manière plus ou moins transparente, des magiciens de Brocéliande ou des divinités tutélaires de l'antiquité grecque ou hindoue (Athéna secondant Ulysse dans l'Odyssée, Krishna soutenant Arjuna dans le Mahâbhârata). Sur le plan narratif, Alec, hacker prodige, reprend également quelques fonctions du mage Gandalf de la néo-mythologie tolkienienne.
Quant au personnage jouée par Rachel Nichols, Kiera, elle tient pour partie d'une techno-Hobbit et d'une Ulysse post-atomique peinant à retrouver son Itaque (l'année 2077) égarée qu'elle est dans son île des Cyclopes (l'année 2012). Elle doit auparavant (comme son ancêtre homérique) accomplir mille prouesses. Mais elle est heureusement (comme lui) secondée par une Athéna, figure protectrice dont on peut retrouver certains éléments dans le personnage composite d'Alec... En outre, nous apprendrons bientôt que c'est le même Alec, vieil homme au faîte de sa puissance (sur son Olympe de 2077), qui a causé tout ce remue-ménage ! Toutefois, le rapport de Kiera à Alec est plus égalitaire que celle d'une humaine à une divinité. C'est le cas tout au moins en 2012. En 2077, leur rapport hiérarchique se sera décalé. Lui sera au sommet de son pouvoir de scientifique-entrepreneur alors qu'elle servira comme agent de sécurité dans la garde prétorienne. En 2012, Kiera a des pouvoirs technologico-magiques en avance sur l'époque et Alec est un demi-dieu en devenir. — Entité hybride et capharnaüm mythologique, seule une analyse poussée pourrait déterminer si une production populaire comme Continuum ne comporte pas certains aspects plus novateurs, authentiquement créatifs, mythogènes et pas seulement mythophages.
Si Continuum recycle quantité de mythèmes immémoriaux, il est un aspect de son scénario que ni les épopées antiques, ni la littérature médiévale, pas plus que la néo-épopée due à Tolkien, ne traitent réellement. Il s'agit de la lutte des classes. La série Continuum ne cesse d'aborder ce mythème singulier qui hante la république inachevée et le capitalisme inquiet. — Une sorte de Stop Wall street manipulée par des terroristes mi-messianiques mi-voyous fournit à la série un de ses ingrédients sous l'avatar caricatural et violent d'une sécession décadente. — Cette sédition contre les exploiteurs-pollueurs va de pair (hélas) avec un renoncement à toute indépendance individuelle dans la soumission totale à un chef. — Le demi-frère d'Alec, Julian, devient le leader de cette masse décervelée (image grossière que les dominants réels et certains médias aiment à donner des groupes militants et citoyens). Il est adulé par ses suiveurs sous le nom de code puis nom de guerre de Theseus (Thésée). Ce héros athénien tenta, parmi d'autres exploits, d'unifier égalitairement les citoyens de la Cité (Il s'agit d'un mythe antique s'intéressant — pour une fois — à la problématique des classes sociales). La série Continuum, par cette référence, se revendique explicitement du melting pot mythologique.
Indépendamment de leur richesse ou de leurs limites, sans considération pour leur caractère fascinant ou conventionnel, leur tendance démocratique ou réactionnaire..., d'autres réalisations ayant certains contributeurs en commun avec The Inside seront pour finir simplement mentionnées : Buffy and the vampire slayer, Angel, Caprica, Battelstar Gallactica (seconde version), Firefly. —