Le Lot à Banassac

 

Parking du stade

C'est à Mende mais je mets ça dans campagne (oxymore des paysages et des géographies — Mende, ville rurale, comme les champs, vignes et vergers autour de Lyon, Montpellier ou Marseille sont des campagnes urbaines... Contamination des caractères et des fonctions par pression du pôle principal, équivalent d'une thermodynamique appliquée à l'esprit des espaces et à l'identité des lieux) — C'est à la sortie de Mende vers Langogne. Raison de plus. — Dans une courbe du jeune Lot, encaissé comme il l'est sur l'essentiel de son cours à travers Gévaudan-Lozère, Rouergue-Aveyron, Quercy-Lot.

Marché aux puces ce dimanche devant le stade. — Sitôt garé je suis déçu. Pas vraiment attristé ni très déçu. Ce beau dimanche a suffisamment de ressources pour entretenir l'humeur. Et, même petite, toute puce recèle, quoi qu'il en soit, ses attraits et ses promesses, à défaut de l'enchantement et du brin de vertige que seules les plus réussies réservent aux amateurs.

Mais le constat s'impose. Une douzaine de stands tout au plus, une buvette. Moins de monde qu'à un déballage à Barjac, moins d'affluence qu'à un bric-à-brac à Banassac qui ne sont pourtant que des villages, moindres en population et inférieurs en statut. Devant moi, pas de profusion, cet attribut naturel des foires-à-tout, défaut de saturation, cette qualité attendue des braderies, rèderies, vide-greniers et autres brocantes... (l'espèce elle-même se pare d'appellations multiples comme pour prolonger dans le lexique l'excès qu'on y escompte, comme pour refléter cette confusion qui donne sa valeur à ce qui a peu de prix, comme pour signifier ce côté insaisissable qui donne son prix au brouillage des repères que nous en espérons, entre précieux et dérisoire, entre réjection et sélection, entre déjection et restitution).

Après un balayage des premiers stands (sans travelling avant pour considérer en gros plan une rareté défiant la nomenclature ou une banalité jamais vue sous cette forme exacte) et une estimation en gros et selon quelques détails furtivement et presque inconsciemment perçus du public qui m'entoure..., je m'attarde au quatrième ou cinquième étalage en ce parcours sur le terrain imparti qui s'initie (à part quelques détours destinés à bien tout écluser et à faire durer le plaisir) dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. En tant que tel, le contenu de cet emplacement n'est ni plus ni moins attrayant que les autres, mais il me paraît moins appréhendable d'un simple coup d'œil. — Je m'arrête aux petits objets. Bidule compact de verre épais, machin de fer-blanc. Articles contenus en caissons ou présentés sur table. Grands panneaux cartonnés des écoles de jadis, imagerie surannée, insuffisamment insolite cependant (l'hétéroclite n'est que banal et le décalé languit). — Je me penche en pensant sur des déchets de bibliothèques. Polars en valises sur le sol. Un James Hadley Chase, pourquoi pas ? Mais la série noire est en lambeaux. Livres d'occasion, oui si état entre bon et défraîchi. Si chiffoné je m'abstiens. Quelque soit le contenu, si torchonné, maculé, trop sale ou abimé, je me détourne.

Le garçon qui tient le stand (ils sont deux, une fille et un garçon) me demande si je cherche quelque chose (trois points de suspension, sous-entendu : "en particulier"). Je réponds que non en souriant. — Je cherche à être aimable et badin quand la question du gars est peut-être un signal de détresse. — Il s'agirait alors d'être — au mieux — aimable et secourable ou — à la rigueur — indifférent (neutre) sans cruauté mais en phase avec l'âpreté de la conjoncture. — À peine ai-je fait quelques pas qu'un autre repentir survient. J'ai l'esprit lent, je manque d'à-propos. Cherchez-vous quelque-chose ? J'aurais dû répondre — en phase avec la vérité — OUI, DES IDÉES !

Mende Parking du stade de Mirandol 25 septembre 2016 fin de matinée