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mai 2008
dernière mise à jour : le 30.08.2013
L'usage des oiseaux  



Les trilles d'un petit oiseau de passage m'ont fait mettre la tête à la fenêtre.
L'usage des oiseaux
Cherchant des yeux celui qui se manifeste ainsi à mes oreilles, je l'aperçois sur un point culminant : une antenne-râteau de télévision. Et par la même occasion, je découvre en plein ciel mes premiers martinets de l'année (martinets, espèce à laquelle n'appartient pas le singulier chanteur à la voix rayonnante). Viennent-ils d'arriver ? Etaient-ils là (les martinets) depuis quelques jours et avaient-ils déjoué mon attention ?
Il est petit, je le vois mal mais l'entends bien (s'agit-il d'un rossignol ?).
(Lascaux -17000 env.) Lascaux, fresque du puits - Cliquer pour vue d'ensemble
Ses lignes mélodiques sont d'une énergie surpuissante au regard de sa taille. Il déploie dans une extrême gaillardise un volume musical plus grand que son corps.
Rien n'atténue cette force. Colosse minuscule, ce n'est en rien un inhibé.

L'instrumentiste emplumé, le soliste musclé du plastron s'est-il déplacé ? C'est légèrement atténué que son chant me parvient maintenant. Le lieu d'émission s'est éloigné et décalé. Il a quitté le toit au sud de ma fenêtre. S'est-il osé dans l'arbre à l'est de mon troisième étage ?
Finalement, il a disparu, poursuivant peut-être son voyage (les migrateurs pratiquent-ils le vol de nuit, ou se déplacent-ils par étapes entrecoupées de repos nocturnes ?).
La rumeur du ciel appartient désormais aux pépiements stridents et monocordes des martinets - autres transhumants dans leurs nouveaux quartiers d'été, et à cette heure en pleines agapes d'insectes happés.


Ces résidents de l'air ne connaissent aucun décalage entre leur essence et leur existence, pas de fracture entre leur nature et leur vie.


Au plus lointain de leur généalogie nulle place pour un mythe de la Chute. Le ciel, les toits, les anfractuosités propices à la nidification, les machins volants protéinés plus petits qu'eux qu'ils gobent, voilà leur Eden. Il ne furent jamais repoussés par un Dieu jaloux dans les complications de la dimension sociale et de l'Etat civil.


Les paraboles et les théories sont nombreuses qui pointent le Divorce au centre des destinées humaines, et présentent l'histoire comme une fatalité, aggravation ou résolution d'un Décentrage fondamental.
Mythe biblique de l'accès transgressif à l'arbre de la Connaissance du Bien et du mal, sanctionné par l'Exil
La condition humaine comme Dissociation
dans la souffrance et le travail - mythe fallacieux dans sa vision du péché comme origine des problèmes, sage dans sa façon d'assimiler à une disgrâce le reigne du labeur, mais plus centralement : confus dans l'articulation des problématiques (n'est-il pas absurde de culpabiliser l'appréhension du Bien et du Mal ? - n'est-il pas naïf d'évacuer l'absurdité existentielle par la justification d'une punition ?), magistral dans l'acte de convoquer simultanément les problématiques et en particulier le Tragique et la Conscience morale (non la Conscience du Tragique - qui n'est pas vraiment le sujet - mais le Tragique de la Conscience, et l'incompatibilité entre celle-ci et les grandes vacances à perpétuité dans le jardin d'Eden).
Problématique de l'état de Nature et de la Civilisation (vue à l'opposé des idéologies du Progrès), selon Rousseau.
Mythes - ou réflexions - de l'Existence à la poursuite de l'Essence, de l'Etre séparé de sa Réalisation, du reigne de la transcendance (médiateté) au détriment de l'immanence (immédiateté) ...
Récit par Marcel Duchamp du rendez-vous difficile entre la Mariée et ses Célibataires - les interprétations divergent quant à l'issue de ce drame, mais elles ne peuvent que constater la Séparation comme donnée de base, et la quête de Réunion comme moteur de l'intrigue (voir Duchampisteries).


Etre avec plus ou moins de cogito, est-ce être plus ou moins ?

En tout cas, ce n'est pas la même façon d'être. Différence entre l'individu en tant qu'il est et le même en tant qu'il se sait = en tant qu'il (se) met en question = en tant qu'il considère l'état des choses comme n'allant pas absolument de soi.

Cogito aller-simple ou cogito aller-retour ?

Est-il possible, par quelque discipline yogique, par quelque immersion psychotropique, par quelque pharmacopée, par quelque transe ou divertissement, de commuter, par intermittence, de la médiateté à l'immédiateté, de faire des séjours avec retour au pays de l'an-humanité, de la supra-humanité ou de l'infra-humanité (de l'enfance) ? Le préfixe ne change rien sur le fond. A noter qu'une espèce ou qu'un individu capable de ressentir une différence entre ces préfixes a vraiment beaucoup de chemin à faire pour retrouver la paix de cette immédiateté que Sartre - dans L'être et le néant - appelle  densité d'être infinie ».
Mais le préfixe est moins important que la racine qu'il (dis-, sur- ou re-) qualifie : l'human-ité (Heu..., en fait, la racine en question est elle-même composé d'une racine et d"un suffixe).
Quoiqu'il en soit, la formulation ci-dessus sous-entend que celle-ci (la qualité humaine d'une entité humaine) va de pair avec la médiateté.
Selon ce point de vue, si être avec plus ou moins de cogito ce n'est pas être plus ou moins, c'est en tout cas être plus ou moins humain.

(La formule de Descartes la plus célèbre ne se place pas dans cette problématique mais à un niveau plus méta - au niveau le plus méta qui soit : celui de savoir si j'existe, et si je puis savoir davantage que cela)


Au moins deux corps de récits réclament d'être ajoutés à la liste précédente. La Geste platonicienne - l'Ici-bas du devenir, et ses choses fluctuantes et approximatives, face
« L'enfant ne sait que vivre son histoire la connaître appartient à l'adulte. Mais qui va l'emporter dans cette connaissance, le point de vue de l'adulte ou celui de l'enfant ? » Henri Wallon
à l'Au-delà immuable des Formes - Essences, Eidos ; la bisbille au sein de chaque individu vue sous la métaphore d'un attelage ailé : cocher manœuvrant tant bien que mal, cheval fringant, cheval sanguin, ailes qui ont une fâcheuse tendance à se détacher en plein vol - et la vie terrestre conçue comme conséquence de la chute de l'engin en question... L'Anthropologie freudienne - le Moi (équivalent du cocher platonicien) cherchant péniblement à conciler dans une vision d'ensemble la susceptibilité morale du Surmoi et les exigences libidinales du Ça.

Récits lumineux qui éclairent notre obscurité, et nous permettent de voir les oiseaux dans un relief que sans ça ils n'auraient pas.
Les oiseaux - tel le petit anonyme qui, sans le savoir, me fit signe avant de se barrer là où l'appelait une
(Pingouin - Grotte Cosquer, Marseille)
Grotte Cosquer -
Cherchez le pingouin
nécessité indistincte de lui-même -, ils semblent nous inviter à participer d'eux et nous font prendre "un bon bain d'innocence" (selon les mots que Pierre Mac Orlan prête à Simone, qui forcément n'était pas un oiseau).
-
Je n'aurais pas divagué sur ce registre si je n'avais, ces jours-ci, suivi Rousseau dans Les Rêveries du promeneur solitaire. Avez-vous lu ce livre ? Quoi qu'il en soit il est fait pour être relu, glosé, accueilli dans un silence aussi solitaire que le fut son auteur dans la fin de sa vie, mais n'interdit pas un usage partagé.


*
C'est dans le Phèdre que Platon illustre sa théorie du devenir par le récit de l'attelage ailé.
*
La Dualité suscite plusieurs attitudes : renchérir sur son injonction - comme ce fut le cas de Hegel -, la déplorer et tenter d'en atténuer la rigueur - comme Freud s'y efforça en distinguant dans les exigences de la civilisation entre le nécessaire et le superflu.

Le "paradeisos" est un parc habité par des animaux, dans lequel l'homme vivait lui aussi dans l'état animal et était innocent, ce que précisément l'homme ne doit pas être. »

Hegel - La raison dans l'Histoire - Introduction à la Philosophie de l'Histoire

Ainsi sommes-nous très souvent obligés dans un but thérapeutique de lutter contre lui (le Surmoi) et nous efforçons-nous de rabaisser ses prétentions.»

Freud - Malaise dans la Civilisation
(A la fin de cet ouvrage, l'auteur évoque un élargissement de la psychanalyse afin d'appréhender les pathologies de la civilisation)

*

Les Lumières, et après

A noter que Hegel et Freud n'ont pas le même objet, leurs propos ne sont pas sur le même plan.

Hegel pense une scission ordonnatrice, corrolaire de l'idéal des Lumières - conscience, liberté, dignité, dépassement de l'immédiateté. L'essence des oiseaux est immédiateté (immanence, correspondance, coïncidence, en-soi...), l'essence humaine est médiateté (transcendance, non correspondance, dé-correspondance, dérrespondance, pour-soi...).

C'est une scission sac de nœuds que Freud appréhende.

La scission embrassée par Hegel s'intègre dans l'aventure tragique de l'humain qui va vers la saisie de sa condition.

Quant à Freud, il observe une humanité à un certain stade de son évolution. Cette humanité-là constate que l'harmonie absolue est impossible et résoud cette impossibilité de manière immature, sous l'autorité d'un surmoi terroriste, dans l'abdiquation du désir qui se transforme en désir d'autorité, dans la fausse résolution d'une configuration névrotique.
La psychanalyse propose une renégociation entre les parties en conflit (le ça = les pulsions, la nature -, le surmoi = les exigences potentiellement abusives de la culture -, le moi = le sujet).
L'objectif est un état où le bonheur et le plaisir (pour impossible que soit leur reigne sans partage) aient droit de cité.

La scission assumée qui intéresse Hegel et la scission résolue sous forme d'un compromis que Freud souhaite ont en commun d'être sous le signe de la conquête, celle du pouvoir de l'être, de la possession par l'humain de sa condition vécue.
Quand à Rousseau, il participe à (il est un initiateur de) ce débat séculaire.

*
D'autres matériaux sont à trouver chez Jean-Paul Sartre, avec les concepts d'en-soi et de pour-soi..., ou chez Henri Wallon, pédagogue et psychologue, qui place les enfants sous le signe des oiseaux...

La caractéristique de la conscience, au contraire, c'est qu'elle est une décompression d'être. Il est impossible en effet de la définir comme coïncidence avec soi. »
L'être et le néant, deuxième partie : L'être pour-soi


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Le meilleur des mondes

Un auteur a magistralement exposé sous forme romanesque la vertigineuse et tragique problématique existentielle dont il est ici question : Aldous Huxley.
Dans Le meilleur des mondes, l'humanité (mais mérite-t-elle encore ce nom ?) est divisée en castes. Chacune est parfaitement adaptée à sa condition. Cette adaptation provient d'une manipulation systématique des embryons. S'il arrive aux individus de la caste la plus intelligente (celle dont le potentiel cérébral est intact) d'avoir des états d'âme (mésaventure impossible aux castes inférieures dont les facultés sont réduites aux seules fonctions ouvrières et techniciennes élémentaires), des lieux de plaisirs et surtout une drogue sont à leur disposition, et ils sont incités à y recourir sans tarder, afin d'éviter toute désadéquation et la Chute qui ne manquerait pas de s'ensuivre dans l'horreur de la réflexion (du cogito, du doute, du pour-soi) - réflexion pouvant se porter sur le sens de leur vie ou le bien fondé de l'ordre social.

Les vicissitudes du radical, ou les frasques picaresques du préfixe privatif

En fait, une confusion affecte la première rédaction de cette page (non complètement réécrite, elle en témoigne encore - quoique ne m'en paraissent caduques ni la métaphore des oiseaux ni son point de départ : la venue inspiratrice d'un oiseau particulier).
Il s'agit d'une confusion entre a) la distance qui sépare la condition actuelle d'un être et sa condition idéale (ce qui serait vivre dans le bon et selon le bien), et b) la distance cognitive et intellectuelle qu'un être prend avec son existence (quelle que soit la distance entre celle-ci et sa condition idéale - et quoiqu'il existe généralement un lien de cause à effet entre les deux distances - la félicité incitant plutôt à l'adhésion inquestionnée, alors que l'insatisfaction, quand elle ne va pas jusqu'à sidérer, incite plutôt à une distanciation et à un questionnement, à une élaboration intellectuelle, pouvant même, dans certains cas, aboutir à une sorte de dépassement - penser la perte peut aboutir à un gain égal ou supérieur, quoique sur un autre plan).
Seule la seconde distance (le questionnement) distingue radicalement les oiseaux des êtres humains - Adam et Eve en-deça et Adam et Eve au-delà du seuil de la pomme de la connaissance du bien et du mal.
En effet, comme les hommes, les oiseaux peuvent souffrir, être séparés du bon. (Ils ne peuvent par contre fauter - le mal moral leur est étranger). Cette privation est toutefois un état moins fréquent chez eux. Ne vivent-ils pas plus généralement dans le bon que les êtres humains ? L'éloignement vis à vis de leur condition idéale n'est-elle pas l'exception ? Au contraire, c'est la coïncidence de la vie humaine réelle par rapport à une condition humaine idéale qui est l'exception. A noter que lorsqu'il est question de condition humaine il convient de distinguer ce qui relève de la nature humaine et ce qui dépend de facteurs sociaux. Certaines sociétés ou certains groupes sociaux ont davantage connu que d'autres, et certains pourront connaître davantage que d'autres, le bon (le bonheur ou un état apparenté).
Quant à la seconde distance (celle du questionnement), les oiseaux ne la vivent jamais, elle les concerne pas. Quand leur mal-être advient, il est total, ni aggravé ni transcendé par une spéculation à laquelle ils n'ont pas accès. Inversement, leur bien-être est sans nuance, il n'est brouillé par aucun miroir réflexif.
Frontispice in Collection complète
 Jean-Jacques Rousseau
http://www.nicoleguidi.com

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